Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
les voies de l’amour

jeunes confrères dans des portraits plus ou moins fantaisistes ou plutôt caricaturés. Je lui décrivais mes impressions de la salle de dissection, le sans-gêne ou l’inconvenance des étudiants auprès des cadavres dont la décomposition nous emplissait le nez et la bouche d’odeurs impropres à nous donner l’appétit. Je lui disais les tours de force ou de gymnastique que j’étais obligé d’accomplir avec ma fourchette, pendant les repas, pour ne pas approcher mes mains malodorantes trop près de mon nez, qui avait toujours respiré des parfums autrement agréables que ceux qui se dégagent des cadavres déjà vieillis dans la salle de dissection. Je lui laissais deviner toutes les farces macabres ou les tours pendables dont les étudiants en médecine ont le monopole. Mais peu à peu, mes lettres se raccourcirent, non pas que les événements rapportables se fissent plus rares ou que j’eusse moins de belles choses à dire, mais pour des raisons dont j’aurais voulu éloigner les causes. Lucille, la jeune fille de la maîtresse de pension, que je détestais presque au début de mon séjour à Montréal, parce que sa présence inopportune dans ma chambre me faisait trop souvent oublier les beaux yeux de mon Andrée, s’accaparait peu à peu de tout mon temps libre que j’aurais préféré consacrer à la pensée de ma bien-aimée. Le soir elle me quittait tard, trop tard même pour que j’écrivisse. Petit à petit, par accoutumance, je finis par sup-