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les voies de l’amour

disait-elle, en sanglotant, tu pars ; tu m’oublieras ; tu ne m’écriras plus et je ne te reverrai plus. La ville où tu vas est grande ; les jeunes filles sont belles, coquettes, élégantes ». — Je relisais par cœur à Jean les premières lettres d’Andrée. Comme elles étaient touchantes ; comme j’y trouvais l’ennui qu’elle éprouvait, les pleurs qu’elle versait en parcourant seule nos jardins ou quand elle allait s’asseoir sous les tonnelles, ou sous le gros érable au bord du fleuve, cherchant au loin si quelque barque ne lui amènerait pas son Michel. Je lui disais les longues attentes d’Andrée lorsque, debout près de la clôture qui bordait le grand chemin, elle espérait voir son Michel revenir sur la route pierreuse. Je lui disais le plaisir que nous éprouvions pendant les premiers mois de mon séjour à Montréal, lorsqu’elle me rendait visite ou que j’allais, les jours de congé, dans mon village, revoir avec elle tous les lieux où l’amour nous avait le plus souri. Je disais à Jean les nouvelles romances qu’Andrée avait apprises et qu’elle me chantait avec tant d’âme parce qu’elle éprouvait autant de joie à ce moment qu’elle avait ressenti d’ennui pendant mon absence. Je disais à Jean la tristesse que j’éprouvais de ne plus la revoir aussi souvent, car petit à petit elle avait éloigné ses visites. Je disais à Jean tout mon chagrin quand les lettres d’Andrée s’espacèrent peu à peu et ne me parvenaient plus qu’une fois par semaine ou une fois par quinze jours.