Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
les voies de l’amour

coussins. Sur une tablette, un brûle-parfums exotique contenait encore un cône à peine éteint. Dans un coin, un drap en simili-satin recouvrait un lit en fer émaillé de blanc avec des boules en cuivre doré aux quatre montants. Un tapis tout neuf cachait entièrement le plancher ; une table de travail vernie et trois ou quatre chaises dont une berceuse complétaient l’ameublement. Je m’étonnai vraiment de ce luxe inaccoutumé dans une chambre d’étudiant. Ma première pensée, en entrant dans cette chambre, fut que j’en délogeais certainement une fée qui, par erreur, reviendrait quelquefois au gîte ou qu’au moins je retrouverais son effigie dans le lustre des meubles ou dans le poli de la glace accrochée au-dessus de ma commode. Habiter cette chambre n’était-ce pas m’exposer aux maléfices de cette fée évincée et transformée en sorcière ? J’en éprouvai un malaise indicible et le souvenir de ma petite Andrée me vint très vivace à la mémoire. Je la revoyais, cette chère Andrée, sous le gros érable, éparpillant sur la pelouse les fleurs de son tablier et se sauvant pour ne plus voir le fleuve et ses barques légères.

« Le soir, à table, nous étions une douzaine d’étudiants, de gais lurons. La maîtresse de pension occupait le bout de la table. J’étais à sa droite et Jean à sa gauche. Et pourquoi encore la place d’honneur m’était-elle réservée ? La maîtresse nous servait copieusement et