Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
les voies de l’amour

lants. Dans le temps, ce n’est pas d’hier, j’étais fort, brave et surtout batailleur. Je me serais défendu contre n’importe quel homme ; je me serais même battu avec le diable en personne. Mais je ne provoquais jamais, je n’attaquais jamais, car mon père recommandait bien à ses enfants de ne jamais engendrer de chicane.

« Si, nous disait-il, vous provoquez quelqu’un et que vous en recevez une raclée, j’y ajouterai une bonne fessée ; si, d’autre part, vous êtes attaqués et que vous ne vous défendez pas à votre avantage, la fessée que je vous administrerai n’en sera pas moindre. » L’ordre était péremptoire, aussi n’ai-je jamais goûté à la fessée. Mais hélas ! j’avais une peur mortelle des morts et des revenants, et mon père ne pouvait rien contre cette maladie ; les fessées, s’il m’en eût donné, ne m’auraient pas guéri. Cette peur des morts me venait, comme à mes frères, des contes et des histoires de revenants, de feux-follets, de loups-garous qu’on se plaisait à nous dire autrefois dès notre plus tendre enfance et notre prime jeunesse. Je me rappelle encore avec plaisir ces longues soirées que nous passions en hiver, soit en face de la grande cheminée où flambaient comme ici les grosses bûches d’érable, soit autour du vieux poêle à deux étages qui répandait sa douce chaleur dans la grande salle où nous montions aussitôt le souper fini. Faisant cercle autour de notre grand’mère paternelle ou de notre bonne mère, tous les