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riz. Le fakir se récrie, comme dans le premier conte indien (celui du Goudjérate) et, comme dans ce conte, le roi, de proche en proche, apprend les visites de l’oiseau. Il le fait prendre dans un filet et mettre dans une cage. En le caressant, il sent l’épingle ; il la retire, et sa femme se trouve, vivante, devant lui.

Il est évident que, dans la bonne forme du conte, il n’y avait pas cette intervention bizarre de Khudâ : c’était une femme, une fausse reine, qui, pour se substituer à la vraie reine auprès du roi, la transformait en oiseau au moyen de l’épingle magique. Et les paroles de l’oiseau sont restées, dans la forme altérée, ce qu’elles étaient dans la bonne forme : « Quel grand imbécile est votre roi ! » lui qui ne voit pas que la prétendue reine n’est pas sa femme. — Évidemment aussi, dans la forme non altérée, si l’oiseau pleure des perles et rit des rubis, c’est que l’héroïne avait ce double don alors que le roi l’a épousée.


b)
HORS DE l’INDE

Franchissant les espaces, Asie, Europe, moitié de l’Océan Atlantique, le petit conte indien est arrivé aux Açores, dans l’île de San-Miguel [1] :

Une sorcière et sa fille sont jalouses d’une belle jeune fille, leur voisine, qui a épousé un roi. La jeune reine ayant mis au monde un enfant, la sorcière vient la voir et, s’approchant d’elle avec de douces paroles, elle lui enfonce dans les tempes deux épingles enchantées. Aussitôt la reine est changée en colombe et s’envole. Après quoi, la sorcière lui substitue sa fille.

Or, il y a dans le palais une petite chienne, nommée Bola-Bola, qui sait parler. La colombe vient et lui dit : « Bola-Bola ! — Que voulez-vous. Madame ? — Comment va mon petit enfant avec sa nouvelle nourrice ? — La nuit, il se tait ; le jour, il pleure. » Cela se répète tant de fois, que le roi en est averti ; il fait mettre de la glu sur les arbres, et la colombe est prise. Comme le roi est à la caresser, il découvre les deux épingles ; il les retire, et la colombe redevient la vraie reine.


Sans nul doute, ce petit conte a été apporté aux Açores par les Portugais, qui se sont établis au xve siècle dans ces îles auparavant désertes. L’ont-ils apporté directement de l’Inde où, depuis le com-

  1. Theophilo Braga, Contos tradicionaes del Povo portuguez (Porto, s. d.), n° 36.