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Nous commencerons par un conte provenant du Goudjérate (Inde Occidentale)[1].

Une jeune fille, bonne et belle, est persécutée par sa marâtre[2]. Un jour, elle se trouve amenée par un hasard providentiel auprès d’un brahmane en prières, lequel n’est autre qu’Isvara (le « Seigneur », nom donné à Siva). Le dieu lui dit, en l’interpellant du nom de Dêvkî Rânî, qu’elle deviendra d’une beauté qui éblouira tout ; elle pleurera des perles et rira des rubis.

La marâtre, surprise de ces dons merveilleux, envoie sa fille, laide et méchante, à Isvara, comptant bien qu’elle reviendra aussi richement dotée. Le dieu la renvoie plus laide encore qu’elle n’était venue, et toute difforme.

Plus tard, l’héroïne épouse un râdjâ. La marâtre vient au mariage, et, ayant obtenu la faveur de parer la fiancée, elle feint de vouloir lui parfumer la tête, et elle y enfonce une aiguille magique (a magic needle), qui transforme Dêvkî Rânî en oiseau. Puis elle lui substitue sa fille, Mutkuli Rânî, auprès du roi. La fraude ayant été découverte, le roi fait chercher partout la vraie fiancée, mais en vain.

Un jour, un mendiant à qui on a donne au palais une petite aumône, dit que, tout près, chez un dhôbî (blanchisseur), il a reçu une poignée de perles. Le blanchisseur est mandé devant le roi, et il raconte que, chaque nuit, un oiseau vient se percher sur une des cordes à étendre le linge, et dit : « À qui appartient ce royaume ? » À quoi le blanchisseur se sent comme poussé à répondre : « À Dêvkî Rânî. » Alors l’oiseau rit, en laissant tomber de son bec des rubis. Puis il demande : « Qui est-ce qui occupe le trône en ce moment ? — C’est Mutkulî Rânî. » Et l’oiseau pleure des perles.

On met de la glu sur la corde ; l’oiseau est pris, et le roi, en le caressant, découvre l’aiguille. Il la retire, et la vraie fiancée paraît devant ses yeux.


Un second conte indien, recueilli dans le Bengale, est très simple[3] :

Un riche brahmane, propriétaire campagnard (zemindar), a deux femmes et deux filles. La fille de la première, Chalbhushki, est méchante, comme sa mère, et très laide ; la seconde, Tilbhushki, est bonne et belle. Un prince, égaré à la chasse, reçoit l’hospitalité chez ce zemindar ; il aperçoit la belle jeune fille, la demande en mariage et l’épouse.

  1. Folklore in Western India, n° 20, dans l’Indian Antiquary, juin 1874.
  2. Dans la partie du conte où la marâtre fait tuer une vache qui nourrit l’héroïne, l’idée primitive s’est obscurcie, et il n’est pas dit, — comme dans les variantes apparentées, se rattachant au thème de Cendrillon, — que la vache est la mère métamorphosée (voir notre Excursus 1, La Pantoufle de Cendrillon dans l’Inde).
  3. W. Mac-Culloch, Bengali Household Tales (Londres, 1912). n° 23.