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Dans un conte du Bengale[1], il est dit d’une princesse : « Elle était d’une exquise beauté ; son teint était un mélange de rouge et de blanc (p. 21), de lait et de vermillon (p. 44). »[2]. Le portrait est de la main d’un Hindou, mais, d’un Hindou très européanisé et qui veut le faire voir ; aussi, bien que ce portrait nous montre la démarche de la princesse « aussi gracieuse que celle d’un jeune éléphant », — ce qui est probablement très hindou, — ne pouvons-nous affirmer qu’il reproduise exactement l’original populaire.

Ces réserves, nous croyons qu’il n’y a pas à les faire au sujet d’un conte du Dekkan, dont nous avons eu à parler dans notre Monographie B (Revue, septembre 1913, p. 407 ; — p. 93 du tiré à part). Là[3], Anar Rânî (« la Rânî de la Grenade »), qui a été mise par ses parents dans une grosse grenade, est réputée « la plus belle dame de la terre ».

« Ses cheveux étaient noirs comme l’aile du corbeau ; ses yeux étaient comme les yeux d’une gazelle ; ses dents, deux rangs de perles, et ses joues, de la couleur de la grenade » (p. 95). « Elle était d’un teint clair comme une fleur de lotus (fair as lotus flower), et la couleur de ses joues était comme la riche couleur rouge foncé d’une grenade (like the deep rich colour of a pomegranat) (p. 101)[3].

Le grand ouvrage de M. Edouard Chavannes, Cinq cents contes et apologues, extraits du Tripitaka chinois, déjà plusieurs fois cité, nous fournit aussi un document qui est loin d’être sans importance (III, n° 381, et p. 355, note). Dans un des récits d’un livre bouddhique sanscrit, dont une traduction chinoise a été faite en l’an 710 de notre ère, l’épouse d’un roi de Bénarès met au monde un vrai fils de roi » : « le visage de cet enfant était régulier et majestueux ; son teint était rose et blanc… » — Ce ne sont certainement pas les Chinois, ces jaunes, qui auraient introduit dans l’original indien ce teint « rose et blanc ».

Ces héros et ces héroïnes au teint blanc et aux joues rouges, ces fées et ces sorcières toutes blanches, sont-ils un souvenir des ancêtres des hautes castes de l’Inde, de ces conquérants âryas de race blanche, venus du Nord et dont le teint, moins bruni peut-être alors

  1. Lal Behari Day, Folk-tales of Bengal (Londres, 1883), n° 2.
  2. À noter qu’il n’est pas question ici de « lait et sang ».
  3. a et b Miss M. Frere, Old Deccan Days, n° 7.