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idée de mariage, déclare qu’il épousera, s’il la trouve, une jeune fille blanche et rouge comme le « fromage ensanglanté » (lla ricotta ’nsanguinata, en dialecte abruzzien).

Tous ces contes sont, pour l’ensemble, du type des Trois Citrons, à l’exception du conte de Bénévent et d’un autre conte italien, celui-ci de Sinigaglia (Marches), altéré d’une manière plus que bizarre (Stan. Prato, op. cit., p. 59) :

Un prince, étant à sa fenêtre, voit passer un paysan qui porte sur sa tête un panier contenant des fromages blancs ; il crache dessus. Le paysan, indigné, lance contre le prince cette imprécation : « Puissiez-vous ne pas avoir de paix, que vous n’ayez trouvé une jeune fille blanche comme le fromage, rouge comme le sang et avec des cheveux verts (!). »

On aura remarqué que rien, ici, ne motive, dans l’imprécation du paysan, la comparaison avec le sang ; pas plus, du reste, que les « cheveux verts ».

Ce dernier groupe de contes, avec son fromage blanc, paraît, d’après les recherches actuelles, confiné dans les pays italiens.


LA QUESTION D ORIGINE

 

En signalant, le premier, l’existence de notre thème du Sang sur la neige, Jacques Grimm abordait immédiatement la question d’origine, et il la tranchait sans hésitation[1].

D’après lui, le thème du Sang sur la neige ne serait pas né dans un endroit unique, d’où il aurait été importé ailleurs ; partout où on le rencontre, on aurait affaire à ce que nous appellerons une génération spontanée. Ces « associations mystérieuses d’idées » (diese Verknüpfung der Gedanken,… diese Geheimnisse der Gedanken), dont procède ce thème, « ont, écrivait-il, jailli, sans intermédiaire, de la poitrine, du cœur humains » (sie sind unmittelbar der menschlichen Brust entquollen) ; elles sont « l’expression épique » (der epische Ausdruck), — c’est-à-dire la traduction en un récit, — « d’une comparaison qui est monnaie courante chez les poètes de tous les peuples, la comparaison de la beauté avec la neige et le

  1. Préface, déjà citée, à la traduction allemande du Pentamerone, p. XXIII.