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Dans un dernier sous-groupe, le sang est encore du sang humain ; mais ce n’est ni sur la neige, ni sur le marbre qu’il tombe.

Cette forme particulière a été fixée par écrit, au commencement du xviie siècle, par Basile (Pentamerone, V, 9) :

Un prince ne veut pas se marier. Un jour, à table, en voulant couper par le milieu un fromage blanc (tagliare na recotta pemmiezzo, en dialecte napolitain) il se coupe un peu le doigt, de sorte que deux grosses gouttes de sang tombent sur le fromage. Et le prince est si charmé de l’assemblage des deux couleurs, qu’il veut trouver une femme aussi blanche et rouge que le fromage teint de son sang.

Cette introduction amène au conte, déjà tant de fois cité, des Trois Citrons.

Même introduction et même corps de récit dans un conte toscan d’Empoli[1]. Le prince, après avoir vu son sang sur le fromage blanc, veut une femme qui ait la « couleur lait et sang (color latte e sangue) ».

Une semblable expression s’est introduite dans un autre conte italien (de Pise), où il n’est aucunement question de fromage blanc[2] :

Une vieille, dont un prince, par malice, a cassé la cruche, lui crie : « Ah ! tu ris ? très bien, tu peux rire ! mais tu ne seras jamais heureux, si tu ne trouves pas une jeune fille de lait et de sang (una ragazza di latte e sangue). »

Toujours en Italie, à Bénévent, nous retrouvons, et le fromage blanc, et la coupure au doigt, et les réflexions du prince[3]. — Feu M. Stan Prato (op. cit., p. 62) énumère plusieurs autres variantes italiennes de ce type, recueillies notamment à Viterbe (Bianca come la ricotta [fromage blanc] e rossa come il sangue) et à Venise.

Une variante d’Aquila (dans les Abruzzes)[4] est altérée : c’est en voyant sur le fromage blanc le sang de la reine sa mère, qui s’est coupée en voulant se servir, que le prince, jusque-là rétif à toute

  1. A. de Gubernatis, Le Tradizioni popolari di Santo Stefano di Calcinaja (Rome, 1894), n° 5.
  2. D. Comparetti, op. cit., n° 11.
  3. Fr. Corazzini. I Componimenti minori della letteratura popolare italiana (Benevento, 1877), n° 10.
  4. G. Finamore, Tradizioni popolari abruzzesi. Vol. 1, parte seconda (Lanciano, 1885), n° 73.