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Un jeune prince est, un jour, en train de jouer avec les enfants de l’aoul (village). Une colombe d’un étrange plumage arrive en volant : la poitrine est noire ; la tête et la queue, blanches. Le jeune homme se dit en son cœur : « Je ne me marierai que si je trouve une semblable femme. »

Second spécimen :

Le fils d’un Khan étant arrivé à l’âge de se marier, son père réunit les plus belles jeunes filles pour lui permettre de se choisir une femme. Le prince dit à son père qu’il préfère à tout la liberté dont il jouit à l’ombre du toit paternel. Et il ajoute, en indiquant de la main une pie, perchée sur un arbre : « Si cependant je devais me marier, et que ce fût ta volonté, je n’épouserais qu’une femme au visage d’une blancheur qui puisse rivaliser avec les flancs de cet oiseau, et aux cheveux d’un noir comparable à celui de la queue de ce même oiseau. »

En Albanie, c’est avec une modification particulière que reparaît notre thème[1] :

Un prince est à la chasse, par la neige, avec son ami, le fils du grand-vizir. Ils tuent une pie, et de la blessure tombe une goutte de sang sur la neige. Un derviche vient à passer, et, en voyant cette goutte de sang rouge, il dit : « Ce sang est rouge comme les joues de la fille du roi de Chine. » Le prince n’a pas plus tôt entendu ces paroles, que le voilà malade d’amour.

Le conte albanais rapporte ensuite comment la princesse de Chine est enlevée et devient la femme du prince, le tout grâce au dévouement et à l’adresse du fils du grand-vizir. C’est un petit roman, ayant bien nettement la marque indienne, qui est ainsi rattaché à notre Sang sur la neige[2].

Quant à ce thème du Sang sur la neige lui-même, on a pu remarquer que, des trois couleurs, le rouge seul a conservé une place dans le conte albanais. De plus, — et ceci est à noter, — ici la vue du sang sur la neige ne dit rien du tout à l’imagination du jeune prince : pour qu’il pense à une beauté, à un certain type de beauté, il faut qu’il ait entendu la réflexion du derviche, et, du même coup, cette réflexion lui met au cœur, avec le désir d’épouser une femme de ce type, l’amour pour telle femme, « la princesse de Chine ».

  1. A. Dozon, Contes albanais (Paris, 1881), n° 24.
  2. Ce petit roman n’est autre, pour le fond, que la dernière partie d’un roman populaire cachemirien, dont M. Johannes Hertel a publié une traduction allemande (Zeitschrift des Vereins fur Volkskunde, année 1908).