Page:Cosquin - Les Contes indiens et l’Occident, 1922.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 218 —

En somme, — c’est la conclusion de M. Barth, — si l’anthropophagie à l’état habituel, comme chez les Polynésiens et chez certains nègres d’Afrique, ne paraît point s’être jamais pratiquée dans l’Inde, des cas plus ou moins fréquents de cannibalisme, s’expliquant de diverses façons, s’y sont certainement rencontrés en tout temps et continuent peut-être de s’y rencontrer, malgré la police anglaise, et cela dans toutes les classes de la société, même chez les Brahmanes.

Le conte d’Astérinos et Poulia et ses congénères européens ne peuvent donc se trouver dépaysés dans le milieu indien. Quant au fait de l’existence de cet étrange conte à la fois dans l’Inde et dans l’Europe occidentale, ce fait s’explique, d’une façon tout historique, par l’action de ce grand courant indo-persano-arabe qui, par la voie des Turcs, a, — non pas dans la nuit des temps, — apporté les contes indiens dans tous les pays jadis soumis à la domination ottomane, en Grèce, dans la péninsule des Balkans et dans cette Hongrie qui, durant de longues années, a fait partie de l’empire de Stamboul.

Comme ce personnage de Molière, nous disons toujours la même chose, parce que c’est toujours la même chose.


Monographie C
LE SANG SUR LA NEIGE


Sang-de-Gazelle-sur-la-Neige, ce nom étrange et nullement expliqué d’une princesse, dans le premier des deux contes maures, points de départ de cette série de Monographies, trouvera son meilleur


    de 1903 à 1912, dans la Revue des Questions Historiques, — nous avons rencontré dans le grand recueil indien de Somadeva, déjà tant de fois cité, un conte où une reine, adepte d’une secte aux rites atroces (une secte sivaïte), persuade le roi, son mari, qu’il obtiendra une puissance sans bornes, s’il prend part à une certaine cérémonie dans laquelle on mange la chair d’une victime humaine immolée. Le cuisinier du palais reçoit des ordres à ce sujet, et il doit sacrifier, pour apprêter le mets magique, celui qui viendra lui dire, de la part du roi, de préparer le repas convenu. Un certain brahmane est la victime désignée par la reine, et il est envoyé au cuisinier. Mais, à peine sorti, il rencontre le jeune fils du roi, qui le prie de s’occuper sans retard de lui faire fabriquer des pendants d’oreille : lui-même ira faire la commission au cuisinier. Et c’est ainsi que, dans l’horrible festin, le père mange, sans le savoir, la chair de son enfant. Quand la vérité lui est connue, il veut expier son crime, et monte sur le bûcher avec la reine, après avoir transmis la couronne au brahmane Kathà Sarit Sàgara, traduction anglaise de H. Tawney. Calcutta, 1880-1887, t. I, p. 152 et suiv.)