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avec une barbe blanche. « Homme fortuné, dit-il au fils du marchand, ton bonheur ne touche pas à sa fin. » Il prit alors la couronne royale et la lui posa sur la tête. « Salue de ma part Rubis, ajouta-t-il, et dis-lui d’écrire pour toi un nouveau billet où elle consignera tout ce qu’elle désire. » En un clin d’œil, il s’évanouit. Le nouveau roi nomma ses vizirs séance tenante. « Qu’Allah donne la victoire à celui qui est devenu notre Sultan ! »

Quand il rentra dans son château, il trouva ses trois femmes trônant au milieu d’une foule d’invitées, tandis que les chanteuses touchaient leurs instruments. Mais son regard n’alla que vers Rubis. C’était elle qu’il chérissait. « Voici, lui dit-il, ce qui s’est passé. Ensuite, j’ai vu venir un vieillard dont voici le signalement. — C’est mon père, » lui répondit-elle. Elle lui rédigea le billet. Il monta sur son cheval et le porta au rivage de la mer. « Père Sa’dân ! » Un nègre gigantesque sortit de l’eau. Il le lui remit. Aussitôt la tente se dressa et le guéridon fut servi. Il attendit sept jours. Au bout de ce temps, il vit venir une litière de mariée. Une escorte plus nombreuse que celle des trois premières jeunes filles l’accompagnait. « Seigneur, les biens de l’Orient viendront à toi, les biens de l’Occident viendront à toi. Sang-de-gazelle-sur-la-neige est présente entre tes mains. » Il s’étonna, l’ayant laissée dans son pays, de la retrouver chez le roi Labiod Eliaqouti. « Elle t’est offerte en présent, continua le nègre, et, avec elle, dix négresses, dix jeunes esclaves blanches, dix chanteuses, deux nègres et ce troupeau de cent chamelles. Maintenant, suis ta route, Seigneur, tu nous trouveras au bout. » Et sur-le-champ tous s’évanouirent à sa vue.

Il trouva chez lui Sang-de-gazelle-sur-la-neige trônant en nouvelle mariée au milieu des chanteuses qui touchaient de toutes sortes d’instruments. Les chamelles étaient rangées à l’attache le long du palais royal. Le nouveau Sultan donna l’ordre de régaler les habitants de la ville pendant sept jours et sept nuits à ses frais. Et il entra en marié auprès de Sang-de-gazelle-sur-la-neige. Et il eut désormais quatre femmes, l’une dont le sang donnait des rubis, l’autre dont les larmes donnaient des perles, l’autre dont la sueur donnait du musc, la dernière enfin qui lisait l’avenir dans les entrailles des chameaux.


(Conté par Ben Ali ben Hasan, smrnommé Mezghenna, cordonnier à Blida, mai 1912).