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DEUX CONTES MAURES[1]




la princesse sang-de-gazelle-sur-la-neige


Il y avait autrefois un gros commerçant dont seul Allah eût pu compter les biens. Il avait un fils distillé de ses yeux, comme l’on dit, c’est-à-dire fort chéri de lui. Le marchand mourut et son fils devint un homme généreux. Il s’attachait tout le monde par son hospitalité et toutes sortes de libéralités. Il fit si bien qu’à la fin il ne lui resta plus de toute sa fortune que la maison qu’il habitait. Alors, il la vendit, acheta deux mulets et fit ce serment : « Tant pis ! quoi qu’il advienne de moi, quoi que ma mère ait enfanté en moi, je ne séjournerai pas plus longtemps dans ce pays. » Il fit monter sa mère sur sa bête. Ils prirent des provisions et ce qui leur était nécessaire ; et, à vive allure, ils vidèrent un lieu, puis en emplirent un autre, — quoiqu’il n’y ait pour vider ou emplir un lieu que le Dieu Compatissant, le Généreux ! — tant qu’enfin ils se trouvèrent dans le désert.

Le jeune homme avait pour habitude quand il voyageait dans les solitudes de mettre sabre au clair, car il était très brave. La nuit les surprit près d’un arbre au pied duquel se trouvait un bassin. Il y découvrit une jeune fille d’une beauté sans pareille. Elle ressemblait à un rubis. Elle était pendue par les pieds, la gorge ouverte, et sa tête qui retombait vers le sol dégouttait de sang, et ce sang avait formé trois rubis. Il éprouva une surprise comme, jamais l’on n’en éprouva. Il revint près de sa mère. « Mère,

  1. Revue des Traditions populaires d’avril 1913. — Numéros 11 et 12 des Contes Maures recueillis à Blida par M. J. Desparmet, professeur agrégé d’arabe au Lycée d’Alger.