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quels ils étaient tenus envers Muteczuma. Je fis prendre acte de cette séance par notaire public et je le fis dresser en présence de plusieurs Espagnols qui m’avaient servi de témoins.

Cet acte passé, ainsi que la cérémonie où tous ces notables s’engageaient au service de Votre Majesté, je dis un jour à Muteczuma, que Votre Altesse avait besoin d’or pour certains travaux et que je le priais d’envoyer quelques-uns de ses Indiens auxquels j’adjoindrais de mes Espagnols, afin qu’ils se rendissent auprès des caciques qui s’étaient offerts à votre service, pour au nom de Votre Majesté leur demander un premier tribut : parce que, outre la nécessité où se trouvait Votre Altesse, ce serait de leur part une marque de zèle dont Votre Altesse leur tiendrait compte. Qu’ils prélevassent donc sur leurs biens pour m’en donner une part, que je désirais vous envoyer, tels que l’or et autres choses précieuses que j’avais déjà envoyées à Votre Majesté. Il me répondit aussitôt de lui désigner dix de mes gens que je lui donnai et, deux par deux ou cinq par cinq, il les répartit par les villes et les provinces dont les noms m’échappent, ayant égaré les notes à ce sujet ; mais quelques-unes d’entre elles se trouvaient à quatre-vingts et cent lieues de Tenochtitlan. Il leur avait joint des Indiens, avec ordre de les conduire aux caciques de ces provinces et leur demander de ma part un tribut d’or qu’ils s’empressèrent de livrer. Tout se passa donc bien ; chacun de ces caciques donna très bénévolement ce que j’avais demandé en bijoux, étoffes, feuilles d’or et d’argent et autres objets. J’envoyai à la fonte ce qui pouvait se fondre et le cinquième de Votre Majesté monta à trente-deux mille quatre cents piastres d’or, sans compter les bijoux d’or et d’argent, les plumes et pierres précieuses et autres objets de valeur, que je mis à part pour Votre Majesté sacrée et qui peuvent valoir plus de cent mille ducats : objets et bijoux qui, en dehors de leur valeur intrinsèque, sont si beaux et si merveilleux que, vu leur nouveauté et leur étrangeté, elles n’ont pas de prix, et qu’il n’y a pas un prince au monde qui possède rien d’aussi riche et d’aussi magnifique.

Que Votre Altesse n’aille point croire que je lui dise là rien de fabuleux ; car je puis certifier que toutes les créatures