Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Nautla, lui avait envoyé dire par ses messagers qu’il désirait fort devenir sujet de Votre Altesse, et que s’il avait tardé à venir jurer l’obéissance qu’il devait comme vassal de Votre Majesté, c’était parce qu’il lui fallait passer par les terres de ses ennemis dont il craignait les attaques ; mais que si mon capitaine lui envoyait quatre Espagnols pour l’accompagner, les gens des provinces ennemies qu’il aurait à traverser, le sachant en telle compagnie, n’oseraient l’attaquer et qu’il viendrait tout de suite. Mon capitaine croyant ce que lui disait Qualpopoca, le même fait s’étant répété plusieurs fois, lui envoya les quatre Espagnols. Le cacique ne les eut pas plutôt entre les mains, qu’il donna l’ordre de les tuer, mais de manière qu’on ne pût lui attribuer le crime. Deux de ces malheureux furent sacrifiés ; les deux autres, blessés, se sauvèrent dans les bois. À cette nouvelle, mon capitaine avait marché sur Nautla avec cinquante fantassins, deux cavaliers, deux couleuvrines et huit à dix mille Indiens de nos alliés. Il avait attaqué la ville, tué beaucoup de monde, chassé les habitants, brûlé et détruit toutes les maisons, aidé en cela par ses Indiens qui, enragés contre les gens de Nautla, s’étaient battus avec fureur. Quant à Qualpopoca, le cacique de la ville, il avait pris la fuite avec d’autres seigneurs ses alliés. Mon capitaine s’informa auprès de quelques-uns des prisonniers qui avaient combattu pour la défense de la ville, quelle était la cause du meurtre des Espagnols ses envoyés. On lui répondit que Muteczuma avait donné des ordres à Qualpopoca, et aux princes indiens qui l’avaient aidé, et qui tous étaient ses vassaux, que, aussitôt que je serais éloigné de la ville de la Veracruz, ils eussent à tomber sur tous ceux qui avaient secoué son joug et s’étaient déclarés pour Votre Altesse, et qu’ils prissent tous les moyens possibles pour massacrer les Espagnols que j’avais laissés derrière moi.

Prince Invincible, après avoir passé six jours dans cette grande ville de Tenochtitlan, ayant observé beaucoup de choses et fort peu cependant relativement au grand nombre qu’on peut y voir, il me parut nécessaire au service royal et à notre sûreté que le seigneur Muteczuma fût en mon pouvoir et non en liberté, de crainte qu’il ne changeât d’avis au sujet de la résolution qu’il