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il m’envoya dire que c’était chose convenue, qu’il m’attendrait dans sa grande ville ; et il m’envoya une suite de personnages pour m’accompagner puisque j’allais entrer sur ses terres. Ceux-ci voulurent me faire prendre certain chemin où l’on nous avait certainement dressé quelque embûche, comme j’en eus la preuve plus tard. Il y avait sur ce chemin tant de ponts et de passages difficiles, que si nous l’avions suivi, les Indiens auraient eu toutes chances de réussir dans leur projet. Mais comme Dieu a toujours semblé prendre en main les intérêts de Votre Majesté depuis sa plus tendre enfance, et comme moi et mes compagnons nous sommes au service de Votre Altesse, il voulut bien nous montrer une autre route, route quelque peu difficile, mais moins dangereuse que celle qu’on voulait nous faire prendre ; cela nous arriva de la manière suivante :

À huit lieues de cette ville de Cholula s’élèvent deux montagnes très hautes et très merveilleuses ; à la fin d’août, elles sont couvertes de tant de neige que de leur cime en bas, on ne voit pas autre chose. De la plus haute de ces montagnes s’échappent souvent, la nuit et le jour, des masses de fumée comme de grandes maisons qui s’élancent droit comme une flèche en colonnes épaisses jusqu’aux nuages, et avec une telle force que les vents très violents qui règnent dans le haut de la montagne ne les font point fléchir. Comme j’ai toujours désiré faire à Votre Altesse les rapports les plus complets sur tout ce qui touche à cette contrée, je résolus de découvrir le secret de ce phénomène, qui me semblait merveilleux. J’envoyai dix de mes compagnons les plus aptes à bien étudier la chose, accompagnés d’Indiens pour leur servir de guides, leur recommandant d’atteindre la cime de la montagne et de découvrir le secret de cette fumée et comment elle sortait de là. Ils partirent et firent leur possible pour atteindre le sommet ; mais ils ne purent y parvenir à cause de la grande quantité de neige dont la montagne est couverte, des nombreux tourbillons de cendre qui s’en échappent et du grand froid qui régnait dans les hauteurs. Cependant ils arrivèrent assez près ; car de l’endroit qu’ils avaient atteint, ils virent sortir la fumée, et elle sortait avec une violence et un tel bruit, qu’il semblait que la montagne