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uniquement s’informer de ce qui avait été arrêté entre les chefs de la ville et moi pour en informer leur maître : puis, après avoir causé, ils s’en allèrent avec eux tous, emmenant même le chef de l’ambassade qui jusqu’alors était resté près de moi. Pendant les trois premiers jours, les habitants pourvurent d’une façon de plus en plus maigre à nos approvisionnements, et mes entrevues avec les personnages de la ville devinrent de plus en plus rares. J’étais alors assez inquiet, lorsqu’une femme de Cholula s’en vint confier à mon interprète, une Indienne qui me fut donnée à Potunchan, cette grande rivière dont je vous parlai dans ma première relation, que les gens de Muteczuma étaient réunis en grand nombre tout près de là, que les habitants de la ville avaient renvoyé leurs femmes et leurs enfants, qu’ils avaient mis leurs valeurs en sûreté et qu’ils devaient tomber sur nous pour nous massacrer. Elle l’engageait donc à se sauver avec elle, répondant de sa personne. L’Indienne, par le moyen de ce Jéronimo de Aguilar que j’avais ramené du Yucatan, me tint au courant de cette conspiration. Je me fis amener un naturel qui passait près de nous. Je l’emmenai sans qu’on le vit, dans mon appartement ; je l’interrogeai, et il confirma tout ce que m’avaient dit l’Indienne et les Tlascaltecs. Il fallait agir promptement pour ne pas être prévenu. Je convoquai quelques-uns des notables de la ville, disant que je voulais leur parler ; ils vinrent et je les enfermai dans une salle. Je fis prévenir mes hommes de se tenir prêts à tous événements et qu’au bruit d’un coup d’escopette qui servirait de signal, ils eussent à se jeter sur la foule d’Indiens qui remplissaient la cour et les environs. Mes gens obéirent ; j’attachai les notables dans la salle, je donnai le signal, nous montâmes à cheval et nous tombâmes sur les masses d’Indiens dont en deux heures nous égorgeâmes plus de trois mille. Il faut que Votre Majesté sache que tout avait été si bien préparé avant même que nous sortions de notre maison, que les rues étaient déjà barricadées et les Indiens à leur poste ; si nous les prîmes un peu par surprise et s’ils furent si promptement défaits, c’est qu’ils manquaient de chefs, que j’avais emprisonnés. Je fis mettre le feu à des tours et à des maisons fortifiées don l’on nous faisait