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de faire, c’est-à-dire de combattre les ennemis de notre foi, nous avions à gagner le bonheur éternel dans l’autre monde sans compter que dans celui-ci nous atteindrions la gloire la plus grande à laquelle aucun peuple atteignit jamais. Je leur dis qu’ils se convainquissent bien que Dieu était avec nous, que rien ne lui était impossible, qu’ils en avaient la preuve dans les victoires que nous avions remportées, où nous avions tué tant d’ennemis sans perdre aucun des nôtres ; je leur dis encore d’autres choses que je pensais devoir les toucher, ce qui, appuyé de l’invocation de Votre Royale Majesté, releva leur courage et les ramena soumis à mes desseins, qui étaient de poursuivre notre grande entreprise.

Le jour suivant, vers les dix heures, Xicotencatl, le capitaine général de la province, accompagné de cinquante personnages importants, vint me voir et me prier, tant en son nom qu’en celui de Magiscatzin, chef suprême de la contrée, de vouloir bien leur accorder mon amitié et les admettre au service de Votre Majesté ; que je voulusse bien leur pardonner le passé ; qu’ils ne savaient pas qui nous étions et qu’ils avaient essayé leurs forces de jour comme de nuit, ne voulant se reconnaître les sujets de personne ; que cette province n’avait jamais été tributaire et n’avait jamais eu de maître ; que de temps immémorial ils avaient vécu libres, s’étant toujours défendus avec succès contre le grand pouvoir de Muteczuma, de son père et de ses aïeux qui tenaient toute la terre en sujétion, sans avoir pu les soumettre quoique les tenant enserrés de toutes parts, sans permettre à pas un d’eux de sortir ; qu’ils ne mangeaient point de sel n’en ayant pas dans leur pays ; qu’ils n’avaient point d’étoffes de coton parce que le froid les empêchait de le cultiver, et qu’il leur manquait encore une foule de choses dont ils s’imposaient la privation, pour rester libres et indépendants ; qu’ils avaient voulu faire de même avec moi ; qu’ils y avaient usé leurs forces ; qu’ils voyaient bien que tout ce qu’ils avaient pu entreprendre n’avait servi de rien, et qu’ils préféraient se reconnaître les vassaux de Votre Majesté plutôt que de s’exposer à une destruction complète.

Je leur répondis qu’ils étaient responsables du mal que je