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où ils étaient allés ; dans le cas où ils eussent commis quelque délit, je m’en serais emparé pour les envoyer à Votre Majesté ; mais personne ne vint. Voyant qu’ils ne paraissaient point, je fis enlever les vêtements de ceux qui étaient venus me présenter la notification et j’en revêtis les Espagnols de ma compagnie avec ordre de se rendre à la plage dans leur accoutrement et d’appeler les gens des navires : lorsqu’on les eut aperçus, une barque se détacha portant une douzaine d’hommes armés d’arbalètes et d’arquebuses ; mes Espagnols qui les avaient appelés, quittèrent alors la plage sous prétexte de rechercher l’ombre d’un bosquet voisin où ils se retirèrent ; quatre de ces hommes débarquèrent, deux arbalétriers et deux arquebusiers, qui aussitôt entourés de mes gens furent faits prisonniers. L’un d’eux, commandant de l’une des caravelles, mit le feu à son arquebuse et aurait tué mon capitaine de la Veracruz si grâce à Dieu la mèche n’eût fait long feu. Les hommes qui étaient restés dans la barque prirent la mer et s’en furent à la voile sans attendre que nous pussions rien savoir d’eux. Mais je sus de ceux qui me restèrent, qu’ils étaient arrivés à une rivière à trente lieues de là sur la côte nord, après avoir passé Almeria (c’est le Panuco), qu’ils y avaient été bien accueillis par les naturels ; qu’ils avaient obtenu des vivres par échange et qu’ils avaient vu de l’or entre les mains des Indiens, mais peu. Cependant ils avaient récolté trois mille castellanos d’or ; ils n’étaient point descendus à terre, mais ils avaient vu plusieurs villages sur les bords de la rivière, et si près, que des navires on les voyait parfaitement. Il n’y avait là aucun édifice de pierre, mais des cabanes de paille dont les planchers se trouvaient à une certaine hauteur au-dessus du sol. J’appris tout cela beaucoup mieux de ce grand seigneur Muteczuma et de certaines gens de ce pays qu’il avait à sa cour.

Je m’emparai également d’un Indien que les navires avaient amené de cet endroit et que j’envoyai avec d’autres messagers de Muteczuma au cacique de cette rivière qui s’appelle Panuco, afin de le gagner au service de Votre Majesté sacrée. Ce cacique me les renvoya, accompagnés d’un gros personnage qu’on me dit seigneur d’un village et qui m’apporta de sa part des étoffes,