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joug de Votre Majesté, on ne fit pas moins ; on commença par prélever le cinquième de l’or en lingots pour Votre Majesté ; quant aux bijoux de non moindre valeur que les premiers, mes compagnons et moi demandâmes de nouveau qu’ils fussent attribués à Votre Altesse. Je les expédiai sans retard avec trente-trois mille piastres d’or en barre sous la garde de Julian Alderete, qui à cette époque était trésorier de Votre Majesté ; les Français l’en dépouillèrent. Ce ne fut pas ma faute, mais bien celle des officiers qui négligèrent d’envoyer une flotte aux Açores, comme ils devaient pour une affaire de cette importance.

À l’époque où je partis de Mexico pour le golfe de Las Higueras, j’envoyai de même à Votre Excellence soixante mille piastres d’or par Diego Docampo et Francisco de Montejo ; si je n’en envoyai pas davantage, c’était pour me conformer aux représentations des officiers de Votre Majesté Catliolique qui prétendaient que l’envoi d’aussi grosses sommes était contraire aux instructions de Votre Majesté touchant l’expédition de l’or. Mais je passai outre, connaissant les besoins de Votre Majesté ; j’envoyai donc à Votre Grandeur, sous la garde de Diego de Soto, l’un de mes serviteurs, tout ce que je pus réunir et dont faisait partie cette couleuvrine en argent qui me coûta, métal, façon et frais divers, plus de trente-cinq mille piastres d’or ; j’y joignis des bijoux en or et pierres précieuses, non pour leur valeur qui était grande pour moi, mais parce que les Français avaient enlevé les premiers, que j’étais désolé que Votre Majesté Sacrée ne les eût point vus et que Votre Majesté put au moins, par ces échantillons, apprécier le mérite de ceux qu’on nous avait dérobés. Si donc j’ai mis tant de zèle à servir les intérêts de Votre Majesté Catholique, il me semble étrange qu’on ait voulu lui faire croire que je gardais pour moi le bien de Votre Altesse. Mes officiers m’ont dit aussi avoir envoyé une certaine quantité d’or pendant mon absence, de sorte que les envois n’ont jamais cessé toutes les fois qu’il y avait opportunité à le faire.

On vous a dit aussi, Très Puissant Seigneur, que je me faisais deux cents millions de rente[1] provenant des terres qui m’ont été

  1. C’est probablement de deux cents millions de maravédis que Cortes veut parler ; or le maravédis valait à peu près deux centimes.