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de mon arrivée s’était répandu et les habitants se pressèrent autour de moi. Cette même nuit j’expédiai des lettres à Mexico et dans toutes les villes de la Nouvelle-Espagne. Je restai onze jours à Médellin pour me reposer des fatigues du voyage et j’y reçus la visite de tous les chefs de village et d’une foule de gens qui se réjouissaient de mon arrivée. Je partis de Médellin pour Mexico ; je restai quinze jours en route acclamé par des milliers d’Indiens dont quelques-uns venaient de plus de quatre-vingts lieues, et tous avaient établi des courriers pour les avertir de l’heure de mon passage et s’y trouver. Ils vinrent donc en grand nombre et tous pleuraient avec moi, me contant en paroles vives et touchantes ce qu’ils avaient souffert pendant mon absence ; et ce qu’ils me disaient des traitements affreux qu’ils avaient subis aurait arraché des larmes au cœur le plus endurci. Il me serait difficile de rapporter à Votre Majesté tout ce que me confièrent ces malheureux, j’en pourrais cependant noter le principal que je réserve pour l’avenir.

J’arrivai à Mexico où les Espagnols et les Indiens se réunirent pour me faire l’accueil le plus touchant : le trésorier et le comptable de Votre Majesté vinrent au-devant de moi avec un nombreux cortège de gens, de chevaux et de soldats, et je m’en allai droit au couvent San Francisco pour rendre grâce à Dieu de m’avoir sauvé de tant de périls pour me rendre au repos et à la tranquillité. Je restai six jours chez les moines où je remplis toutes mes dévotions.

Deux jours avant que je quittasse le couvent, je reçus un courrier de Médellin qui m’apprenait l’arrivée de navires où se trouvait, disait-on, un perquisiteur ou juge envoyé par Votre Majesté, sans pouvoir m’en dire davantage. Je crus que Votre Majesté, connaissant l’état de trouble dans lequel les officiers que j’avais nommés à mon départ, avaient laissé la Nouvelle-Espagne, et ne sachant rien de mon arrivée, avait voulu y remédier, ce dont je rendis grâce à Dieu. En effet j’eusse été désolé d’être juge en cette affaire, car, ayant été injurié et vilipendé par ces tyranneaux, tout ce que j’aurais pu faire contre eux eût été attribué au parti pris et à la passion, ce que j’abhorre le plus : quoique en tous cas, je ne saurais être assez