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à qui j’avais légué mes pouvoirs, ainsi qu’à toutes les autorités, leur disant ce que j’avais fait et la nécessité où j’étais de rester encore quelque temps dans ces provinces éloignées. Je leur recommandai instamment de surveiller les intérêts que je leur avais confiés, leur donnant mon avis sur une foule de choses. Je donnai ordre à ce navire de passer par l’île de Cozumel et qu’il rapatriât des Espagnols qu’un tel Valenzuela, qui s’était révolté et avait dépouillé le premier village que fonda Cristobal de Oli, avait abandonnés dans l’île ; on me dit qu’ils étaient là plus de soixante. L’autre navire, celui que j’achetai le dernier dans l’île de Cuba, fut envoyé à la ville de la Trinité pour y prendre de la viande, des chevaux et des hommes et revenir ici le plus vite possible. J’en envoyai un autre à la Jamaïque avec même commission ; quant au brigantin que j’avais fait construire, je l’expédiai à l’île Espagnola avec un de mes serviteurs porteur d’une lettre adressée à Votre Majesté, et d’une autre pour les licenciés qui habitent cette ville.

Selon ce que j’appris, pas un de ces navires ne fit le voyage que je lui avais commandé ; celui qui devait se rendre à la Trinité dans l’île de Cuba, s’en fut toucher à Guaniguanico, d’où mes gens eurent à faire cinquante lieues par terre pour aller jusqu’à la Havane chercher son chargement, et comme celui-ci revint le premier, il m’annonça que le navire de la Nouvelle-Espagne avait recueilli les gens de Cozumel, puis, qu’il avait été donner par le travers de Cuba sur la pointe appelée San Anton, ou de Los Corrientes, où il s’était perdu corps et biens. Là, périrent un de mes cousins Juan de Avalos qu’on avait choisi comme capitaine, les deux Franciscains qui m’avaient toujours suivi, et trente et tant de personnes dont on me donna la liste ; quant à ceux qui avaient pu gagner la côte, ils avaient erré dans les bois sans savoir où ils se trouvaient, et presque tous étaient morts de faim ; de sorte que, de plus de quatre-vingts personnes, une quinzaine seulement échappèrent, qui par bonheur vinrent tomber à Guaniguanico où mon navire se trouvait à l’ancre. Il y avait près de là une grande exploitation agricole appartenant à un habitant de la Havane, qui contenait beaucoup de vivres et où mon navire put opérer son charge-