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des siens ; il laissa les autres dans la ville avec un de ses lieutenants et un alcade. Plusieurs fois déjà Las Casas l’avait prié en présence de nous tous de le laisser aller rejoindre Votre Grâce, pour lui rendre compte de ce qui lui était arrivé, ou qu’il les fît garder a vue, car il ferait ce qu’il pourrait pour lui échapper.

« Quelques jours après, Oli apprit que le capitaine Gil Gonzalez de Avila se trouvait avec peu de monde dans un port appelé Thomola ; il y envoya des troupes qui tombèrent sur eux la nuit et s’emparèrent d’Avila et de ses gens. On les amena prisonniers ; Oli les garda longtemps sans vouloir leur rendre la liberté, quoique tous la lui eussent demandée bien des fois. Il fit aussi jurer obéissance à la troupe de Gonzalez de Avila, comme il l’avait fait à celle de Las Casas.

« Plusieurs fois Gil Gonzalez et Las Casas avaient averti Oli devant nous tous, qu’il eût à les mettre en liberté, ou qu’il prît garde à eux, et qu’ils le tueraient quelque jour ; jamais il n’y consentit. Enfin, ne pouvant supporter une pareille tyrannie, il arriva que tous les trois causant une nuit de choses diverses et entourés de gens, Las Casas saisit Oli par la barbe et armé d’un couteau de bureau avec lequel il se curait les ongles, il le lui enfonça dans le corps en criant : « Il est temps de ne plus souffrir ce tyran. » Gil Gonzalez et d’autres serviteurs se précipitèrent aux côtés de Las Casas, s’emparèrent des armes des gardes qu’ils blessèrent et tirent prisonniers, dont le capitaine de la garde, le sous-lieutenant, le maître de camp et d’autres, sans qu’il y eût un seul homme de tué. Cristobal de Oli profita du tumulte pour fuir et se cacher.

« En deux heures, les capitaines pacifièrent la colonie et s’emparèrent des derniers partisans de Oli, ils firent en même temps publier que quiconque lui donnerait asile serait puni de mort. Ils découvrirent peu après et le mirent sous bonne garde. Le lendemain matin, on instruisit son procès et les deux capitaines le condamnèrent à mort. Il fut aussitôt décapité. Les habitants de la ville manifestèrent leur joie de recouvrer leur liberté. On fit alors publier que ceux qui désiraient rester colons, voulussent bien le dire et que ceux qui désiraient quitter la ville le dissent aussi. Cent dix hommes répondirent qu’ils reste-