Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je demandai combien par cette voie il faudrait de jours pour arriver au golfe ? ils me répondirent qu’on pouvait y arriver en cinq jours. J’envoyai sur l’heure deux Espagnols avec l’un des guides, qui s’engageait à les conduire au brigantin. Je leur donnai l’ordre d’amener le brigantin, les barques et les canoas à l’embouchure du fleuve dans le golfe et de s’efforcer de le remonter avec une barque et une canoa jusqu’à sa jonction avec la rivière.

Mes gens partis, je fis construire quatre grands radeaux de bois et roseaux, dont chacun pouvait porter quarante fanegas (3 500 livres) de maïs et dix hommes, sans compter les charges de haricots et de cacao. On mit huit jours à construire ces radeaux ; quand ils furent chargés, les Espagnols que j’avais envoyés vers le brigantin arrivèrent, ils me dirent qu’il y avait six jours qu’ils avaient commencé à remonter la rivière ; qu’ils n’avaient pas pu ramener la barque jusqu’ici et qu’ils l’avaient laissée à cinq lieues plus bas, sous la garde de dix Espagnols : qu’ils n’avaient pu davantage me ramener la canoa, parce qu’ils étaient trop fatigués de ramer, mais qu’elle n’était qu’à une lieue de là, cachée dans la forêt ; qu’en venant, ils avaient été attaqués par des Indiens, qu’ils les avaient battus ; mais qu’à la descente il fallait prendre garde, car ils se réuniraient probablement en masses pour nous attaquer de nouveau.

J’envoyai sur-le-champ des hommes pour me ramener la canoa et la fis charger des provisions que nous avions recueillies ; je mis sur les radeaux les hommes nécessaires pour les guider au moyen de longues gaffes, au milieu des troncs d’arbres qui encombraient le lit de la rivière, et pour les gens qui me restaient, je les confiai à un capitaine avec ordre de reprendre le chemin que nous avions suivi pour m’attendre au débarcadère du golfe s’ils arrivaient les premiers, tandis que c’est moi qui les attendrais si j’arrivais avant eux ; puis je m’embarquai dans la canoa avec deux arbalétriers qui me restaient, quoique cette route fût très dangereuse par suite de la violence du courant. Mais comme j’étais sûr que les Indiens m’attendraient au passage, je voulais être là moi-même pour veiller à la défense, et c’est en me recommandant à Dieu que