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au port de Saint-André ; je les attendrai si j’arrivais le premier et s’ils arrivaient avant moi, ils devaient m’y attendre pour recevoir mes ordres.

Une fois mes hommes partis et le brigantin achevé, je voulus m’embarquer ; puis, je réfléchis que j’avais bien une assez grosse provision de viande, mais que je n’avais pas de pain ; que ce pourrait être une grande imprudence de m’embarquer avec tant de monde et en de telles conditions ; qu’il suffirait d’un vent contraire pour nous affamer. Sur ces entrefaites, le capitaine de mon nouveau navire me dit que lorsqu’ils vinrent à Nito pour la première fois, ils étaient deux cents hommes, qu’avaient amenés un grand brigantin et quatre autres navires : c’était toute la troupe de Gil Gonzalez de Avila. Or, avec les barques et les brigantins, ils avaient remonté la grande rivière et étaient tombés dans deux grands golfes d’eau douce : tout autour, il y avait beaucoup de villages, des cultures et des vivres ; ils avaient poussé jusqu’au fond de ces golfes, à quatorze lieues plus haut : puis ils avaient essayé de remonter la rivière, mais elle coulait si furieusement qu’en six jours ils n’avaient pu faire que quatre lieues, qu’elle s’enfonçait beaucoup plus loin, qu’ils n’avaient pu en percer le mystère, mais qu’il y avait par là des quantités de maïs. J’avais bien peu de gens sous la main pour y faire une expédition, me disait le capitaine ; car, lorsque les hommes d’Avila s’y rendirent, ils s’emparèrent tout d’abord d’un village par surprise ; mais les Indiens s’étant réunis, les avaient battus et les avaient forcés à s’embarquer après en avoir blessé plusieurs.

Jugeant qu’il y avait pour moi plus de danger à m’embarquer sans vivres qu’à aller en chercher chez les Indiens de la côte, j’abandonnai mon projet et résolus de remonter cette rivière. N’ayant en effet rien de mieux à entreprendre que de me procurer des vivres pour mes gens, il se pourrait faire que, grâce à Dieu, je découvrisse quelque nouvelle province que je réduirais au service de Votre Majesté. Je fis le dénombrement des hommes que je pourrais emmener ; j’en comptai quarante et pas tous bien solides, mais tous serviraient à la garde des navires, pendant que je ferai des expéditions avec les autres.