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dans le village beaucoup de marchands qui commerçaient avec toutes les provinces des environs. J’y envoyai du monde sur-le-champ, avec cette femme pour guide, et quoique situé à deux longues journées de Acuculin, les habitants avaient été avisés de ma venue et l’on ne put s’y procurer un guide.

N’ayant point de guide, et ne pouvant me servir de la boussole dans ces forêts les plus épaisses et les plus sauvages qui se puisse imaginer, ne connaissant d’autre chemin que celui que nous avions suivi jusqu’alors, notre situation devenait désespérée, quand, grâce à Dieu, nous rencontrâmes dans les bois un petit garçon de quinze ans, qui se chargea de nous conduire dans les fermes de Taniha, province où je devais passer d’après mes cartes. Il nous dit que ces fermes, se trouvaient à deux journées de là. Nous partîmes avec ce petit garçon et nous arrivâmes en deux jours à ces fermes où mes avant-gardes purent s’emparer d’un vieil Indien qui nous conduisit jusqu’aux villages de Taniha, qui se trouvaient aussi à deux journées plus loin. Dans les villages, nous saisîmes quatre Indiens qui me donnèrent des nouvelles certaines des Espagnols, nous disant qu’ils les avaient vus et qu’ils habitaient le village de Nito, village connu de tous les Indiens par suite de ses nombreuses relations commerciales. C’est dans les mêmes termes qu’on m’en avait parlé dans la province d’Acalan, comme j’en écrivis à Votre Majesté. On m’amena deux femmes de ce village de Nito, qu’habitaient les Espagnols ; elles me contèrent avoir assisté à la prise du village par les chrétiens, que l’attaque avait eu lieu la nuit, qu’elles avaient été faites prisonnières avec beaucoup d’autres et qu’elles avaient servi plusieurs de ces chrétiens dont elles me citèrent les noms.

Je ne saurais dire à Votre Majesté la joie que mes compagnons et moi éprouvèrent à ces nouvelles que nous donnèrent les habitants de Taniha ; nouvelles qui nous permettaient de prévoir la fin de l’étrange voyage où nous nous étions engagés ; car dans ces quatre dernières journées nous avions subi des fatigues sans nombre. Nous les passâmes au milieu des bois et des plus âpres montagnes, sans chemin tracé, où le peu de chevaux qui nous restaient s’estropièrent pour jamais. Un de