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Comme je ne pouvais m’éterniser dans le pays, je leur fis dire, que je les recevais au nom de Votre Majesté et que je les priais de m’envoyer des guides afin de poursuivre mon voyage. Ils m’en donnèrent un qui connaissait très bien le village où se trouvaient mes Espagnols qu’il prétendait avoir vus. Je partis donc sous sa conduite, du village de Tiac, et fus camper dans un autre qui s’appelle Yasuncabil, le dernier de la province, qui était désert et fortifié comme les autres. La demeure du cacique y était fort belle. Quoique de passage, nous nous fournîmes dans ce village de tout ce dont nous avions besoin, car le guide nous avertit que nous avions cinq jours de traversée absolument déserte, avant que d’arriver à la province de Tayasal on nous devions passer. Entre la province de Mazatcan et celle de Guiatha, je renvoyai les marchands que j’avais rencontrés sur le chemin d’Acalan ; je leur fis divers présents pour eux et pour Apaspolon ; ils me quittèrent très contents. Je renvoyai en même temps chez lui le cacique du premier village, qui m’avait accompagné, et je lui remis des femmes qu’on avait fait prisonnières dans les bois et diverses bagatelles dont il me remercia beaucoup.

À la sortie de cette province de Mazatcan, je pris le chemin de Tayasal et campai dans les bois à quatre lieues de là ; le chemin du reste ne passait qu’au milieu de collines et montagnes boisées où nous eûmes à franchir un très mauvais défilé ; nous l’appelâmes le défilé d’Albâtre, car toutes les pierres, les roches et les pics étaient en albâtre très fin. Le cinquième jour, les coureurs qui nous précédaient avec le guide, signalèrent une grande lagune, semblable à un bras de mer, et je l’ai cru, quoique l’eau en fût douce, à cause de sa profondeur et de son étendue. On voyait au loin un village dans une île : le guide nous dit que c’était le chef-lieu de cette province de Tayasal et que nous ne pouvions y arriver qu’en canoas. Mes coureurs restèrent en sentinelles, pendant que l’un d’eux venait me raconter ce qui se passait. J’ordonnai une halte générale et filai en avant pour voir la lagune et étudier sa conformation ; lorsque j’arrivai près de mes gens ils venaient de s’emparer d’un Indien de Tayasal qui avait abordé dans une toute petite