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les autres détalaient voyant que nos gens étaient sur leurs traces.

Je demandai à cet Indien si dans son village on soupçonnait mon arrivée ; il me dit que non. Je lui demandai pourquoi on plaçait ainsi des sentinelles dans la forêt ; il me répondit qu’ils avaient l’habitude de le faire, parce que, étant en guerre avec les peuplades voisines, ils ne voulaient pas que leurs travailleurs fussent surpris dans les champs. Je filai donc rapidement, car l’Indien nous avait dit que nous approchions, et je ne voulais pas que ses camarades arrivassent avant moi. J’ordonnai aux gens qui étaient à l’avant-garde de s’arrêter dans la forêt à la limite des champs cultivés, et de m’attendre. J’arrivai tard, ayant vainement espéré atteindre le village cette nuit même. Les bagages venant dispersés et en désordre, je mandai à un de mes capitaines de les attendre avec une vingtaine de chevaux, de les recueillir, de camper avec eux et de suivre mes traces. J’enfilai un sentier assez bien frayé, quoique passant au milieu de bois fort épais ; j’allais à pied, tenant mon cheval par la bride, chacun me suivant dans le même équipage ; à la tombée de la nuit, je donnai sur un marais qu’on ne pouvait traverser sans y établir une chaussée ; je fis rétrograder ma troupe, et nous rejoignîmes quelques cabanes où nous passâmes la nuit sans une goutte d’eau pour nous, ni pour nos chevaux.

Le lendemain matin, je fis combler le marais avec des joncs et des ramures et nous passâmes avec peine en traînant nos chevaux par la bride. À trois lieues de notre campement, nous aperçûmes un village sur une colline, et croyant arriver inaperçus, nous l’abordâmes tous ensemble ; mais il était entouré d’une muraille et nous n’en pouvions trouver l’entrée. On la découvrit cependant ; nous entrâmes, le village était abandonné mais plein de victuailles, maïs, poules d’Inde, miel, haricots, tous les produits de la terre en quantités énormes, que, surpris, les habitants n’avaient pu enlever, et que, comme village frontière, les Indiens tenaient toujours grandement approvisionné.

Ce village est situé sur une colline élevée, entouré d’un côté par une lagune et de l’autre par un ruisseau ; il n’a qu’une seule