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dans un grand marais, large de deux portées d’arbalète, le plus affreux que nous ayons rencontré. Les chevaux à qui on avait enlevé leurs selles s’enfonçaient jusqu’à l’épaule et dans leurs efforts pour en sortir s’enfonçaient davantage, de sorte que nous perdions tout espoir d’échapper à ce bourbier, et de sauver un seul cheval. Cependant, nous nous mîmes au travail, et au moyen de paquets d’herbe, de joncs et de branches d’arbres, nous soutenions nos chevaux de manière à les empêcher de disparaître ; le passage s’améliorait, et à force d’aller et de venir d’un endroit à l’autre sur la même ligne, nous finîmes par ouvrir une espèce de sentier dans le marais où les chevaux pouvaient nager, de sorte que, grâce à Dieu, ils purent tous en sortir vivants, mais si fatigués, que le lendemain, ils ne pouvaient se tenir debout.

Nous rendîmes tous à Dieu des actions de grâce pour la miséricorde infinie qu’il nous avait montrée en ces périlleuses circonstances ; quand sur ces entrefaites, arrivèrent les Espagnols que j’avais envoyés à Acalan avec plus de huit cents porteurs indiens de cette province, chargés de maïs, de poules et de provisions. Dieu sait avec quelle joie nous les accueillîmes, surtout quand ils nous annoncèrent que les gens d’Acalan étaient tranquilles et rassurés et qu’ils n’abandonneraient pas leur village. Les Indiens d’Acalan venaient sous la conduite de deux personnages qui représentaient le cacique nommé Apaspolon ; ils étaient chargés de me dire que leur maître se réjouissait de mon arrivée ; qu’il y avait longtemps qu’il avait entendu parler de moi, par les marchands de Tabasco et de Xicalanco ; qu’il serait heureux de me voir et m’envoyait comme présent quelques parcelles d’or. Je reçus ces personnages le plus gracieusement et les remerciai du zèle que leur maître montrait pour Votre Majesté ; je leur distribuai divers bijoux d’Espagne et les renvoyai très satisfaits.

Ils furent tout ébahis de voir le pont que nous avions construit, pont qui pourrait dorénavant leur servir pour abandonner leur village situé entre des lagunes. Mais en voyant cette œuvre vraiment merveilleuse, il s’imaginèrent que rien ne nous était impossible. Sur ces entrefaites, je reçus des courriers de Santisteban sur la rivière Panuco, qui m’apportaient des nouvelles de