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jour au village de Tatahintalpan, village peu important que je trouvai incendié et désert. J’y précédai les canoas parties avant moi, car le courant et les grands détours de la rivière les avaient retardées. Quand elles arrivèrent, je fis passer quelques hommes sur l’autre bord, à la recherche des habitants du village pour les rassurer, comme je l’avais fait à Istapan.

À une demi-lieue plus loin, ils rencontrèrent une vingtaine d’hommes groupés dans un temple couronné d’ornements ; ils me les amenèrent. Ces Indiens me dirent que toute la population s’était enfuie frappée de terreur, mais qu’ils étaient restés pour mourir auprès de leurs dieux. Et comme je m’entretenais avec eux, ils virent des Indiens de ma compagnie chargés d’objets divers qu’ils avaient enlevés aux idoles ; alors, ils s’exclamèrent désolés, que leurs dieux étaient morts.

Je saisis l’occasion pour leur faire remarquer combien leur religion était folle et vaine, puisqu’ils croyaient qu’elle pouvait leur donner des biens qu’elle ne savait défendre, et qu’on leur enlevait si facilement. Ils me répondirent que c’était la religion de leurs pères et qu’ils la garderaient jusqu’à ce qu’ils connussent quelque chose de mieux. Vu le peu de temps à ma disposition, je ne pus que leur dire ce que j’avais déjà dit à Istapan, et deux religieux de l’ordre de Saint-François qui m’accompagnaient, ajoutèrent d’autres choses appropriées à la circonstance. Je priai quelques-uns de ces Indiens d’aller chercher les habitants et le cacique du village. Les gens d’Istapan m’appuyèrent en rappelant les services que je leur avais rendus ; ils me désignèrent alors l’un d’eux qui était le cacique. Celui-ci envoya deux émissaires pour ramener ses gens, mais pas un ne voulut revenir.

Voyant qu’ils ne venaient pas, je demandai au cacique de m’enseigner le chemin de Signatecpan, qui se trouve en amont de la rivière, et où, d’après ma carte, je devais passer. Il me dit qu’il ne connaissait pas le chemin de terre, les Indiens ne communiquant entre eux que par les rivières ; que par instinct il me l’indiquerait à travers bois, mais sans en être bien sûr. Je le priai de bien m’indiquer la direction, que je me rappelai le mieux que je pus, et j’envoyai des Espagnols et le cacique