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Le jour suivant de bonne heure, mes messagers étaient de retour, me ramenant le cacique avec une quarantaine d’hommes ; il me répéta qu’il n’avait fui, après avoir brûlé son village, que sur les incitations du seigneur de Zaguatan qui l’avait assuré que je les tuerais tous. Il devait maintenant savoir par le témoignage des siens qu’il avait été trompé. Il me dit qu’il regrettait fort ce qu’il avait fait, me priait de lui pardonner, promettant de faire ce que je lui conseillerais. Il me demanda de rendre certaines femmes dont les Espagnols s’étaient emparés en arrivant ; on en trouva vingt que je lui rendis, ce dont il fut enchanté.

Sur ces entrefaites, un Espagnol découvrit l’un des Mexicains de sa suite, mangeant un morceau de la chair d’un Indien qu’il avait tué en entrant dans le village ; on vint me le dire : je le fis arrêter et brûler vif en présence du cacique à qui j’expliquai que cet homme avait tué et mangé un Indien, ce qui est défendu par Votre Majesté ; qu’en votre nom royal, j’avais défendu qu’on fit jamais pareille chose et que j’avais condamné cet Indien à mort, parce que je voulais qu’on ne tuât personne.

J’étais venu au contraire, d’après les ordres de Votre Majesté, pour protéger les Indiens et les défendre, dans leurs biens et dans leurs personnes, leur apprendre à reconnaître et adorer un seul Dieu qui est au ciel, créateur de toutes choses, grâce à qui vit tout ce qui existe au monde.

Je dis à ce cacique qu’il lui fallait abandonner ses idoles, et les cérémonies de leur culte, qui n’étaient que mensonges et inventions du diable ennemi de l’humanité, qui cherchait à les tromper, pour les entraîner dans la damnation éternelle où ils souffriraient les tourments les plus affreux ; que ce diable cherchait à les éloigner de Dieu, pour qu’ils ne pussent jouir de la gloire éternelle réservée aux élus.

J’ajoutai que j’étais venu pour leur parler de Votre Majesté à qui, par ordre de la providence, l’univers doit obéir ; qu’ils devaient eux-mêmes se soumettre, accepter votre joug impérial et faire tout ce que, nous, ses ministres, nous commanderions en votre nom royal. Ce que faisant, ils mériteraient notre protection et nos faveurs ; dans le cas contraire, ils s’exposeraient