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Cette lettre nous remplit tous d’une grande joie. Car ainsi que je le disais à Votre Majesté, la plupart de mes gens étaient désespérés. Le jour suivant, de bon matin, nous nous mîmes en route, guidés par les Indiens qui avaient apporté la lettre, et nous arrivâmes le soir au village où je trouvai mes hommes fort bien installés. Ils avaient trouvé des champs de maïs et de la yuca dont se nourrissent les habitants des îles.

Aussitôt arrivé, je me fis amener les prisonniers et leur demandai pourquoi ils brûlaient eux-mêmes leurs maisons et leur village pour se sauver ensuite, alors que je ne leur faisais aucun mal. Ils me répondirent que le cacique de Zaguatan était venu les trouver en canoa, leur avait inspiré de nous la plus grande terreur et leur avait fait brûler leur village. Je présentai alors à ces Indiens tous les gens que j’avais ramenés de Zaguatan, Chilapan et Topetitan afin qu’ils vissent bien que cet homme leur avait menti et qu’ils leur demandassent si jamais je leur avais fait du mal ; si, au contraire, je ne les avais pas bien traités. Sur l’affirmation de ceux-ci, ils se mirent à pleurer disant qu’on les avait trompés, désolés de ce qu’ils avaient fait. Pour mieux les convaincre, je donnai toute liberté aux Indiens qui nous avaient suivis de retourner chez eux. Je leur fis quelques présents et leur remis des lettres qui leur serviraient de sauvegarde auprès des Espagnols qu’ils pourraient rencontrer. Je leur recommandai de reprocher à leurs caciques la faute qu’ils avaient commise en brûlant leurs villages ; qu’ils s’en abstinssent dorénavant puisqu’on ne leur faisait aucun mal ; ce que voyant, les habitants d’Istapan se rassurèrent ; les autres Indiens partirent satisfaits et en toute sécurité.

Cette affaire terminée, je fis venir celui qui me parut le chef : je lui dis qu’il voyait bien que je ne faisais de mal à personne ; que ma venue du reste avait un autre but, qui était de leur apprendre des choses d’une grande importance pour eux, pour la sécurité de leurs personnes et le salut de leurs âmes.

Je le priai donc vivement d’envoyer à leur cacique trois de ses camarades à qui je joindrais autant de Mexicains, pour l’engager à revenir et l’assurer qu’il s’en trouverait bien. Il me répondit qu’il le ferait volontiers ; je les expédiai donc sur-le-champ.