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la rive ; j’avançai d’environ six lieues et dormis dans le bois avec une pluie battante ; pendant la nuit arriva l’Espagnol qui avait été au village de Zaguatan ; il amenait avec lui soixante et dix Indiens avec lesquels il avait ouvert la route de ce côté, mais il me fallait retourner deux lieues en arrière pour pouvoir la prendre ; je m’y rendis, tout en laissant ceux qui ouvraient le chemin le long de la rivière continuer leur besogne ; ils étaient déjà à près de trois lieues en avant ; une lieue et demie plus loin, ils atteignaient les maisons des faubourgs, de sorte qu’il y eut deux routes là où il n’y en avait aucune.

Je suivis le chemin que les Indiens avaient ouvert et j’arrivai avec quelque peine et au milieu de la pluie à l’un des faubourgs de Zaguatan, le plus petit, quoique assez grand, puisqu’il se composait de plus de deux cents maisons. Nous ne pûmes parvenir dans la ville dont nous étions séparés par la rivière, qu’il eût fallu traverser à la nage, toutes les maisons étaient vides. À notre arrivée, les Indiens qui étaient venus me voir avec l’Espagnol disparurent quoique j’eusse fait mon possible pour les séduire et que je leur eusse donné divers présents. Je les avais remerciés de la peine qu’ils avaient prise pour nous ouvrir la route et je leur avais dit que je venais dans leur pays par ordre de Votre Majesté, leur apprendre à croire et adorer un seul Dieu créateur de toutes choses, à tenir Votre Altesse pour leur maître et seigneur et autres choses de circonstance. J’attendis trois ou quatre jours, croyant que la crainte les avait chassés et qu’ils me reviendraient, mais personne ne parut.

Pour me procurer les guides dont j’avais besoin et m’indiquer le chemin que je devais prendre, car on n’en voyait nulle part aucune trace, toutes les communications ayant lieu par eau à cause des marais, des canaux et des grandes rivières, j’envoyai deux compagnies d’Espagnols et quelques Mexicains à la recherche des habitants, avec ordre de me les ramener pour m’en servir de guides comme je l’ai dit plus haut. Avec les canoas de Tabasco, et quelques autres qu’ils trouvèrent dans le village, mes hommes parcoururent vainement les estuaires et les rivières ; ils ne rencontrèrent que deux Indiens et quelques