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sur des ponts, nous en traversâmes trois grandes, dont la première à Tonala à neuf lieues d’Espiritu Santo et l’autre à Agualulco à neuf lieues plus loin ; nous passâmes ces rivières en canoas et les chevaux à la nage ; quant à l’estuaire qui était très large et qu’ils n’eussent point eu la force de traverser, il fallut aviser, et une lieue plus haut, je fis construire un pont de bois où passèrent les chevaux et les gens ; il avait neuf cent trente-quatre pas de long ; c’était un ouvrage merveilleux.

Cette province d’Apisco produit beaucoup de cacao, elle est très fertile en grain et riche en pêcheries. On y trouve dix ou douze grands villages sans compter les hameaux et les fermes : mais c’est une contrée très marécageuse, tellement, qu’à la saison des pluies on ne peut circuler qu’en canots ; pour moi, qui voyageais pendant la saison sèche, de l’entrée à la sortie qui peut compter vingt lieues, je fus obligé de construire plus de cinquante ponts, sans quoi les gens n’auraient pu passer. Les Indiens sont pacifiques, mais un peu sauvages par suite des rares contacts qu’ils ont eus avec les Espagnols.

Ils se rassurèrent à ma venue, et se mirent à notre service avec la meilleure volonté, comme au service des Espagnols à qui je les confiai. De cette province de Apisco, d’après les renseignements que me donnèrent les gens de Tabasco et de Xicalanco, je devais passer à une autre qui se nomme Zaguatan ; les Indiens n’ont de communication que par les rivières et les canaux, ils ne pouvaient m’indiquer la route par terre et ne pouvaient que me signaler la ligne directe qui m’y conduirait. Je fus donc forcé d’envoyer dans la direction, des Espagnols et des Indiens pour trouver ce chemin et nous y frayer un passage, car autour de nous, tout n’était que forêts épaisses. Grâce à Dieu, nous le trouvâmes à grand’peine ce chemin ; il y avait en effet des marais et des canaux sur lesquels il fallait jeter des ponts. Nous avions à traverser une grande rivière appelée Guezalapa, affluent du Tabasco ; j’expédiai de là, deux Espagnols aux caciques de Tabasco et de Cunoapa, les priant de m’envoyer quinze ou vingt canoas pour aller chercher des vivres et provisions abord de mes caravelles et me permettre de traverser la rivière. Ces canoas devaient m’apporter les