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Votre Altesse de quatre navires, dont j’ai commencé la construction dans l’un des ports de la mer du sud : en apprenant qu’ils ne sont pas encore achevés, Votre Majesté pourra penser qu’il y a négligence de ma part, en voici la raison : la mer du sud, là où l’on construit les navires, est à plus de deux cents lieues des ports de la mer du nord où viennent se décharger toutes les choses venant d’Espagne, et cette longue route est coupée d’âpres montagnes, de défilés, de torrents et de grandes rivières ; et comme tout le matériel nécessaire à la construction des navires doit être transporté d’une mer à l’autre, Votre Majesté peut juger de la difficulté. J’eus en outre à subir un affreux contretemps : car le magasin où j’avais abrité tout le matériel, voiles, câbles, agrès, poulies, ferrures, ancres, poix, suif, étoupes, huile, bitume, etc., fut détruit par un incendie sans que nous ayons rien pu sauver que les ancres qui ne pouvaient brûler.

Je m’occupe en ce moment de rassembler un autre matériel : il y a quatre mois, que m’arriva de Castille, un navire chargé de tout ce qu’il fallait pour la construction de ma flottille, car prévoyant l’accident qui m’arriva, j’avais depuis longtemps mandé qu’on l’envoyât. Je puis assurer Votre Majesté que ces navires qui sont encore en chantier me coûtent déjà plus de huit mille piastres d’or, sans parler de dépenses extraordinaires. Mais loué soit Dieu, ils sont en tel état, qu’à la Pâques de l’Esprit-Saint ou que pour la Saint-Jean de juin ils pourront naviguer si les barils ne me manquent pas, car jusqu’à ce jour je n’ai pu remplacer ceux qui avaient été brûlés.

J’espère néanmoins les recevoir d’Espagne où je les ai commandés. Je tiens à ces navires plus que je ne saurais dire ; car avec l’aide de Dieu, je suis certain de découvrir pour Votre Majesté plus de royaumes et de seigneuries que tous ceux découverts jusqu’à ce jour. Qu’il lui plaise donc de les bien guider et je crois que si mes projets réussissent au gré de mes désirs, Votre Grandeur sera souverain Monarque du monde.

Depuis qu’il plut à Dieu que nous ayons conquis cette grande ville de Mexico, je crus bien de ne pas l’habiter pour le moment, et j’établis ma résidence à Culuacan, située sur le bord du lac et