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qu’ils refusèrent de se rendre. Voyant toutes mes avances inutiles, je cherchai le moyen d’en finir. J’avais quelques canoas, je réussis à m’en procurer d’autres, de sorte qu’une nuit, je pus faire passer à l’autre bord des hommes et des chevaux, de manière qu’au matin, sans que l’ennemi s’en doutât, j’y avais réuni une forte troupe d’infanterie et de cavalerie, tout en laissant une bonne garnison dans mes quartiers. Quand ils nous aperçurent, ils se jetèrent sur nous par masses énormes et nous attaquèrent avec une telle vigueur, que je ne me souviens d’avoir été abordé de telle façon ; ils me tuèrent deux chevaux et en blessèrent dix autres si gravement qu’ils furent inutilisés. Dans cette journée, grâce à Dieu, les ennemis furent battus ; nous les poursuivîmes pendant plus d’une lieue et nous en tuâmes un grand nombre. Avec les trente chevaux qui me restaient et une centaine de fantassins, je continuai ma route et j’allai camper dans un village à trois lieues de là, où dans les temples nous trouvâmes une foule de choses venant des Espagnols qu’on avait tués à Francisco de Garay. Le jour suivant, je longeai la côte d’une lagune pour chercher un passage qui me permît d’atteindre certains villages que nous apercevions de l’autre côté. Je continuai tout le jour sans trouver ce passage, quand, vers le soir, nous vîmes un très beau village vers lequel nous nous dirigeâmes en suivant le bord de la lagune ; il était tard quand nous l’abordâmes ; il paraissait désert. Pour m’en assurer, je fis avancer dix cavaliers par la route qui nous y conduisait tout droit, pendant qu’avec dix autres, je faisais un détour, ceux de l’arrière-garde n’étant pas encore arrivés.

En entrant dans le village, nous y trouvâmes une foule de gens qui s’étaient cachés dans les maisons pensant nous surprendre ; ils nous attaquèrent si vivement, qu’ils nous tuèrent un cheval, blessèrent tous les autres et un grand nombre d’Espagnols ; ils se battaient avec une rage sans pareille, et, quoique trois ou quatre fois rompus, ils revenaient toujours à la charge ; puis se groupant par masses, ils s’agenouillaient et sans une parole, sans un cri comme les Indiens en poussant d’habitude, ils nous attendaient et nous ne pouvions les aborder sans être couverts de flèches ; de sorte que, si nous n’avions