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Majesté ne recevra qu’une faible partie des trésors de cette ville, et de ceux qu’auparavant j’avais déjà réunis pour Votre Altesse. Il était tard, et nous ne pouvions supporter les émanations pestilentielles de tant de cadavres abandonnés dans les rues ; nous regagnâmes nos quartiers au plus vite.

Ce même soir, il fut convenu que, le lendemain, en entrant dans la ville nous emmènerions avec nous, trois grosses pièces d’artillerie, parce que je craignais que les Mexicains si nombreux et tellement resserrés sur une seule place, qu’ils ne pouvaient se mouvoir, ne se jetassent sur nous sans combattre pour nous étouffer de leurs masses, et je comptais les enrayer et les forcer à venir à nous. J’ordonnai à Sandoval, que ce même jour, il pénétrât avec ses brigantins dans un des grands canaux, où s’étaient abritées toutes les canoas de la ville ; il y avait alors si peu de maisons où l’on pouvait se retirer que l’empereur de Mexico, accompagné de quelques seigneurs, errait au hasard dans une canoa sans savoir où se réfugier. Ce furent là mes ordres pour le lendemain.

Lorsque le jour parut, je fis préparer tous mes gens et emmener les grosses pièces ; la veille, j’avais mandé à Pedro de Alvarado qu’il m’attendît sur la place du marché et qu’il n’attaquât point avant mon arrivée. Lorsque nous fûmes réunis et que je vis les brigantins prêts à pénétrer derrière les maisons, où se trouvaient les ennemis, j’ordonnai, qu’au coup d’escopette qui servirait de signal, mes hommes pénétrassent dans les maisons pour en chasser les Mexicains qui tomberaient sur les brigantins postés là pour les recevoir ; je les engageai vivement à surveiller Guatimozin et à s’efforcer de le prendre vivant, car ce serait la fin de la guerre. Pour moi, avant que le combat fût engagé, je montai sur une maison d’où je pus m’entretenir avec les quelques seigneurs que je connaissais et leur demandai pourquoi l’empereur ne voulait pas venir ? Il se trouvait en telle extrémité, que c’était un crime à lui de laisser périr sans utilité une telle foule de gens ; qu’ils allassent donc l’appeler, qu’ils le pouvaient faire sans crainte. Deux de ces Mexicains disparurent à sa recherche et revinrent peu après, accompagnés du général en chef de toutes les forces