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Le jour suivant, les négociateurs arrivèrent au camp de bonne heure et me prièrent de me rendre à la place du Marché où leur maître se rendrait également pour m’entretenir ; je m’y rendis, croyant de bonne foi qu’il viendrait ; mais je l’attendis inutilement plus de quatre heures ; jamais il ne voulut venir. Voyant qu’on se moquait de moi, qu’il était déjà tard et que ni les seigneurs, ni leur maître ne venaient, je fis appeler nos alliés indiens que j’avais laissés à l’entrée de la ville, à près d’une lieue de là, et à qui j’avais recommandé de ne point avancer, car les Mexicains m’avaient prié de les éloigner pendant les négociations. Ils arrivèrent ainsi que les hommes d’Alvarado. Aussitôt là, nous attaquâmes quelques tranchées et barricades, les dernières qui leur restaient, où nous pénétrâmes sans difficulté avec nos alliés. En sortant de nos quartiers, j’avais donné l’ordre à Sandoval de s’approcher avec les brigantins des maisons que les Mexicains occupaient encore, de manière qu’étant cernés, ils ne pourraient faire un pas sans fouler des morts ou que grimper sur les quelques plates-formes qui leur restaient. Ils n’avaient, du reste, plus ni dards, ni flèches, ni pierres pour prendre l’offensive. Nos alliés, armés d’épées et de boucliers, nous accompagnaient et le massacre que l’on fit de ces malheureux Mexicains tant à terre que dans la lagune fut épouvantable : on en tua et l’on en prit plus de quarante mille. Les cris, les pleurs et les sanglots des femmes et des enfants, nous déchiraient le cœur et nous avions toutes les peines du monde à modérer la fureur de nos Indiens, car jamais on ne vit créatures humaines se délecter au milieu de telles cruautés.

Nos amis s’emparèrent ce jour-là de riches dépouilles ; nous étions tout à fait impuissants à les retenir, car nous n’étions que neuf cents Espagnols perdus au milieu de cent cinquante mille Indiens, et ni prières, ni menaces, ne les empêchaient de voler ou de massacrer, quoique nous y missions toute notre âme. Et l’une des raisons qui, les jours précédents, m’empêchaient d’en arriver avec les ennemis à une rupture plus violente, c’est que je craignais qu’ils ne jetassent tous leurs trésors dans la lagune, ou qu’autrement nos amis ne s’emparassent de tout ce qui se trouverait dans la ville ; c’est pour cela que Votre