Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait faire plus. Et cependant, je désirais fort que nous occupions tous cette chaussée, afin que les troupes d’Alvarado pussent communiquer avec les nôtres ainsi que les brigantins. Nous remportâmes ce jour-là une grande victoire tant sur les lacunes que sur terre et l’on fit quelque butin dans la ville. De leur côté, Alvarado et le grand alguazil furent contents de leur journée.

Le lendemain, je rentrai à Mexico, dans le même ordre que la veille, et Dieu nous donna une si grande victoire, que partout où je passais avec mes gens, il y avait à peine l’ombre d’une résistance. Les ennemis se retiraient avec une telle précipitation, que nous croyons avoir conquis les trois quarts de la ville. Alvarado de son côté poursuivait les Mexicains avec le même succès, et ce jour-là, comme la veille, je m’attendais à les voir implorer la paix, que victorieux, ou vaincu, je désirais par-dessus tout. Mais jamais ils n’eurent un moment de défaillance. Ce jour-là, nous regagnâmes nos quartiers avec beaucoup de plaisir, quoique j’eusse l’âme désolée de voir chez les habitants de cette ville une telle résolution de mourir.

Pendant ces derniers jours, Pedro de Alvarado s’était emparé de plusieurs ponts ; pour les garder, il y mettait une escouade de cavaliers et de fantassins, pendant que la troupe regagnait ses quartiers à trois quarts de lieue de là. Comme c’était pour ses gens une fatigue insupportable, il voulut transporter son quartier à l’extrémité de la chaussée qui débouche sur le Marché de Mexico, grande place toute entourée de portiques et plus grande que celle de Salamanque. Pour arriver jusque-là, il n’avait plus à s’emparer que de deux ou trois tranchées : mais elles étaient larges et profondes ; en somme, depuis plusieurs jours il remportait maintes victoires. Ce jour-là, croyant remarquer des signes de faiblesse chez les Mexicains, sachant que je leur livrais chaque jour les plus rudes combats, il s’aveugla si bien sur la certitude d’une victoire, qu’il résolut de franchir ces deux tranchées, dont l’une avait au moins soixante mètres de large et près de quatre mètres de profondeur. Il attaqua donc ce même jour ; et avec l’aide des brigantins, la troupe passa et poursuivit les Mexicains qui avaient pris la fuite. Pedro de