Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poudre qu’il avait à sa disposition. Quoique j’eusse d’abord eu l’intention, aussitôt mes brigantins en retraite, de me rendre à Culuacan, en les chargeant de faire tout le mal possible aux ennemis, me trouvant sur la chaussée, après leur avoir pris les deux temples, je résolus de camper en cet endroit, appuyé par les brigantins, avec ordre à la moitié des gens de Culuacan, plus cinquante fantassins du grand alguazil, de venir me rejoindre le jour suivant.

L’affaire convenue, nous passâmes la nuit faisant bonne garde, car le danger était imminent ; tous les guerriers de Mexico accouraient sur la chaussée et dans leurs canoas ; à minuit, la lagune et la chaussée étaient couvertes d’une multitude armée qui se jeta sur notre camp, et nous nous vîmes à toute extrémité, surtout parce que c’était de nuit, et que jamais en tel moment les Indiens n’ont coutume de se battre, sauf pour achever une victoire. Comme nous étions sur nos gardes nous nous défendions à qui mieux mieux, pendant que les brigantins qui portaient chacun une petite pièce de campagne commençaient à les foudroyer et que les arquebusiers et les arbalétriers tiraient dans la masse ; de sorte que les Mexicains n’osèrent plus avancer et ne purent nous faire grand mal. Ils nous laissèrent donc passer le reste de la nuit tranquilles.

Le lendemain de bonne heure, nous arrivèrent de Culuacan, quinze arquebusiers et arbalétriers avec cinquante fantassins et huit chevaux ; quand ils arrivèrent, nous étions aux prises avec les Mexicains qui nous attaquaient sur terre et sur l’eau. Il y en avait une telle multitude que la terre et l’eau en étaient couverte, et ils poussaient de tels hurlements qu’il semblait que le monde allait crouler. Mais nous allions de l’avant, et nous nous emparâmes d’un pont qu’ils avaient abandonné et d’une barricade qui en défendait l’entrée. L’artillerie et les cavaliers leur faisaient tant de mal, qu’ils reculèrent presque jusqu’aux premières maisons de la ville. Comme du côté de la chaussée où les brigantins ne pouvaient pas aller, les Indiens dans leurs canoas nous accablaient de dards et de flèches, je fis ouvrir un passage par où pénétrèrent quatre brigantins qui acculèrent ces canoas contre les maisons de la ville, de sorte qu’elles n’osèrent plus