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femmes et les enfants. Ce combat nous coûta vingt-cinq blessés, mais ce fut une grande victoire.

Comme les gens d’Istapalapa avaient allumé de grands feux sur le haut d’un de leurs temples, placé sur une colline élevée près de leur ville, les habitants de Mexico et autres lieux comprirent que j’entrais dans la lagune avec mes brigantins : ils réunirent immédiatement une nombreuse flotte de canoas pour tenter une attaque contre mes navires ; il y avait, au juger, plus de cinq cents canoas. Quand je vis que cette flotte se dirigeait droit sur nous, nous descendîmes du piton et nous embarquâmes en toute hâte ; j’ordonnai aux capitaines des brigantins de ne point bouger, de façon que les ennemis se résolussent à nous attaquer, persuadés que par crainte nous n’osions aller au-devant d’eux ; en effet, ils couraient sur nous à toute vitesse ; mais à deux portées d’arbalète, ils s’arrêtèrent court. Je désirais ardemment que ma première rencontre avec eux fût une victoire, de manière à leur inculquer une grande terreur des brigantins ; parce qu’à mon avis, ils représentaient la clef de cette guerre et que c’était grâce à eux que nous pourrions infliger le plus de mal à nos ennemis. Or, pendant que nous nous observions les uns les autres, il s’éleva grâce à Dieu un vent de terre, des plus favorables pour nous ; j’ordonnai donc aux capitaines de se lancer sur la flotte des canoas et de les poursuivre jusque dans les rues de la ville ; comme le vent était bon, les Indiens eurent beau faire force de rames, nous fûmes bientôt au milieu d’eux ; nous brisâmes une foule de canoas, tuâmes et noyâmes une multilude de Mexicains, chose pour nous la plus réjouissante du monde. Nous poursuivîmes les ennemis pendant plus de trois lieues, jusque dans les maisons de Mexico, et ainsi, il plut à Dieu, Notre Seigneur, de nous donner une plus grande victoire que nous ne l’avions désirée.

Mes hommes de la garnison de Culuacan, mieux placés que ceux de Tacuba pour observer la marche des brigantins, voyant que le temps était pour nous, et que nous culbutions les canoas de nos ennemis, s’en réjouirent plus qu’on ne saurait dire ; car je le répète, eux et les gens de Tacuba avaient le plus grand désir