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d’une étrange panique ils s’enfuirent poursuivis par l’Indien. Trois ou quatre de mes serviteurs et deux autres d’une compagnie en voyant passer l’Indien le suivirent et passèrent comme lui ; moi et mes cavaliers nous nous dirigions vers la montagne pour tâcher de découvrir l’entrée de la ville, tandis que nos ennemis les Indiens nous couvraient de dards et de flèches, car la barranca qui nous séparait n’était pas plus large qu’un fossé. Comme ils étaient absorbés par leur lutte avec nous, ils n’avaient pas vu les Espagnols qui, arrivant sur eux à l’improviste, commencèrent à les sabrer ; ne s’attendant pas à être ainsi attaqués par derrière, car ils ignoraient la fuite de leurs concitoyens et l’ouverture du passage où s’étaient faufilés l’Indien et les Espagnols, ils furent tellement épouvantés que nos hommes les massacraient comme des gens sans défense. Ils cessèrent la lutte et prirent la fuite, nos gens de pied entraient alors dans la ville et l’incendiaient pendant que les habitants l’abandonnaient au plus vite. Ils se retirèrent dans la montagne, perdant beaucoup de monde et poursuivis par mes cavaliers qui en tuèrent infiniment.

Après avoir découvert l’entrée de la ville qui se trouve au midi nous allâmes loger dans des maisons de campagne, car la ville était à moitié brûlée. Vers le tard, le cacique, accompagne des notables, voyant que dans une place réputée aussi forte, ils n’avaient pu se défendre et craignant d’être exterminés dans la montagne, vinrent se déclarer vassaux de Votre Majesté ; je voulus bien accepter leurs promesses et dorénavant ils furent toujours de nos amis. Ces Indiens et les autres qui vinrent se faire reconnaître comme sujets de Votre Majesté, après que nous eûmes pris leur ville et détruit leurs maisons, nous dirent que s’ils étaient venus si tard à merci, c’est qu’ils pensaient que leurs fautes seraient, à nos yeux, affaiblies par le châtiment subi et que par la suite nous leur en garderions moins de rancune.

Nous passâmes la nuit dans cette ville et, le lendemain, nous poursuivîmes notre route au milieu de forêts de pins désertes et sans eau, où nous traversâmes avec la plus grande peine un long défilé sans pouvoir étancher notre soif, si bien que