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hommes un mal énorme, si bien qu’en peu d’instants ils nous tuèrent deux Espagnols et en blessèrent plus de vingt. Voyant qu’il n’y avait rien de plus à faire, que de tous côtés on arrivait au secours des Indiens de la colline et que toute la plaine était couverte de monde, je donnai à mes capitaines l’ordre de la retraite. Une fois mes cavaliers en selle nous courûmes à ceux de la plaine que nous mîmes en déroute et que nous poursuivîmes pendant une heure et demie, en tuant et blessant un grand nombre ; les ennemis étant très nombreux, mes cavaliers s’étaient écartés de droite et de gauche à leur poursuite ; à leur retour, ils m’informèrent, qu’à une lieue de là, ils avaient remarqué un autre piton également couvert de monde, mais que celui-là n’était pas aussi abrupt que le premier ; qu’il y avait aux alentours de grandes habitations et que nous y trouverions deux choses qui nous avaient manqué là-bas ; l’eau d’abord et puis la facilité de nous emparer de cette forteresse naturelle et d’en chasser les ennemis. Nous partîmes donc fort désappointés de n’avoir pu remporter la victoire et nous allâmes camper au pied de l’autre colline où nous eûmes à souffrir de rudes fatigues et de grandes privations, car nous n’y trouvâmes point d’eau, et nous ni nos chevaux n’avions bu de la journée. Aussi, toute la nuit, il nous fallut entendre les cris de joie des ennemis et le concert infernal de leurs trompettes et de leurs tambours.

Au lever du jour, accompagné de mes capitaines, je m’en fus examiner la colline qui me parut presque aussi formidable que l’autre.

Mais il y avait deux pics qui en dominaient les hauteurs et qui nous semblaient d’une ascension plus facile. Une foule de guerriers les occupaient pour les défendre. Mes capitaines et moi, ainsi que d’autres officiers qui se trouvaient en notre compagnie, nous prîmes nos boucliers et nous allâmes à pied, jusqu’au bas de la colline, car on avait emmené boire nos chevaux à une lieue de là. Nous n’avions d’autre intention que d’étudier la force de la place et de choisir l’endroit où nous pourrions l’attaquer. Comme nous arrivions au pied du piton, des gens qui se trouvaient sur les pics, croyant que j’allais attaquer ceux du centre, abandonnèrent les hauteurs pour défendre leurs