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L’expédition en route, Très Puissant Seigneur, je quittai la ville de Segura de la Frontera dans la province de Tepeaca, vers la mi-décembre de cette année.

Sur l’instante demande des habitants j’y laissai une garnison de soixante hommes sous les ordres d’un lieutenant et je renvoyai toute l’infanterie à Tlascala, où l’on travaille à mes brigantins. Pour moi, je m’en fus, suivi de vingt chevaux, passer la nuit à Cholula où l’on m’avait prié de venir : car la variole, qui a enlevé beaucoup de monde en ce pays comme dans les îles, avait emporté grand nombre de seigneurs de la ville, et les habitants désiraient que leurs successeurs fussent élus d’après mes avis.

À mon arrivée, ils me reçurent le mieux du monde, et leurs élections faites à leur satisfaction, je leur fis part de ma résolution d’entrer en guerre dans la province et la ville de Mexico ; je les engageai donc, comme vassaux de Votre Majesté, à se lier eux et nous d’une éternelle amitié, les priant de nous apporter le concours de leurs forces tant que durerait cette guerre, et à traiter les Espagnols qui passeraient sur leur territoire, comme des alliés fidèles. Je restai trois jours à Cholula et après avoir reçu la promesse solennelle des caciques, je partis pour Tlascala qui est à six lieues de là, où ma venue fut célébrée, tant par les Espagnols que par les habitants de la ville. Le jour suivant, tous les seigneurs de la province et de la ville vinrent me trouver, pour m’annoncer que Magiscatzin, le chef suprême de la république, était mort de la petite vérole, sachant bien qu’ayant été mon meilleur ami, cette nouvelle me causerait une grande douleur. Il laissait un fils âgé de douze à treize ans à qui devait revenir la seigneurie de son père et les seigneurs me priaient de la lui confirmer ; je le leur accordai au nom de Votre Majesté, ce dont ils furent très satisfaits.

En arrivant à Tlascala, je vis avec plaisir que les maîtres et charpentiers travaillaient activement à la construction de mes brigantins : planches, assemblage, etc., l’ouvrage avançait ; j’envoyai donc immédiatement à la Veracruz pour en faire venir les ferrures, voiles, agrès, cordages et autres objets nécessaires à leur complétion ; la poix manquant, j’en fis fabriquer par mes