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quoique nous ne fussions pas certains de retrouver des amis dans les habitants. Nous pouvions croire, qu’en nous voyant en si misérable état, ils n’en profitassent pour nous anéantir et recouvrer leur ancienne liberté ; et ces doutes nous jetaient dans une affliction égale à celle qui nous accablait dans nos combats avec les Mexicains.

Le jour suivant, au lever du soleil, nous enfilâmes un chemin fort plat qui nous conduisait directement à la province de Tlascala ; peu d’ennemis nous y suivirent, quoique nous fussions entourés de grands villages ; cependant du haut de quelques collines et à l’arrière-garde, mais de loin, les Indiens nous accompagnaient encore de leurs hurlements. Ce même jour, 8 juillet, nous sortîmes enfin des terres mexicaines pour arriver dans celles de Tlascala en un village de trois ou quatre mille habitants nommé Hueyotlipan, où nous fûmes très bien reçus. Nous pûmes nous y refaire de la grande fatigue et de la grande faim dont nous avions tant souffert ; cependant on ne nous livra des vivres que contre argent : les Indiens ne voulaient même accepter que de l’or. Je restai trois jours dans ce village, où je reçus la visite de Magiscatzin, de Xicotencatl, de tous les seigneurs de la république et de quelques-uns de Huajozingo ; tous me dirent combien ils avaient été touchés de mes malheurs et s’efforcèrent de m’en consoler ; ils me répétaient ce qu’ils m’avaient dit autrefois : que les gens de Culua étaient des traîtres ; mais que je n’avais pas voulu les croire. Je devais, ajoutaient-ils, m’estimer heureux d’être vivant, et ils juraient de m’appuyer jusqu’à la mort pour me venger des affronts que j’avais subis. Car outre qu’ils avaient jure allégeance à Votre Majesté, ils avaient aussi à venger des enfants et des frères tués à mes côtés par les Mexicains, sans compter les injures qu’ils en avaient reçues dans tous les temps ; je pouvais donc compter qu’ils seraient mes alliés fidèles jusqu’à la mort. Comme je venais blessé, que tous mes compagnons étaient épuisés, ils nous offraient leur ville, qui était à quatre lieues du village pour nous y reposer, soigner nos blessures et nous refaire.

Je les remerciai, j’acceptai leur offre généreuse et leur offris