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tillerie. Enfin, ayant réuni ceux qui survivaient, je les fis passer en avant et suivi de quatre de mes cavaliers et d’une vingtaine de soldats qui osèrent rester avec moi, je pris l’arrière-garde pour les protéger, luttant sans trêve avec les Indiens, jusqu’à ce que nous arrivâmes à une ville appelée Tacuba, située en dehors de la chaussée, et Dieu sait au prix de quelles fatigues et de quels dangers. Chaque fois que je me lançais sur les Indiens, j’en revenais couvert de flèches, de javelots et lapidé ; comme nous avions de l’eau à droite et à gauche, les Mexicains pouvaient blesser sans péril ceux qui, comme nous, étaient à terre ; et quand nous tombions sur eux, ils se jetaient à l’eau. Nous ne leur faisions que peu de mal et si quelques-uns périrent c’est qu’ils s’étouffèrent et se noyèrent entre eux, tant était grande leur multitude. C’est au milieu de ces fatigues que je menai ma troupe jusqu’à la ville de Tacuba sans perdre ni un Espagnol ni un Indien, sauf un cavalier à l’arrière-garde, et nous avions à faire face aux ennemis de trois côtés à la fois ; mais les plus rudes attaques venaient de l’arrière, par où les Indiens nous venaient de Mexico.

Arrivé à la ville de Tacuba, je trouvai ma troupe réunie sur la place ne sachant où aller : je donnai l’ordre de gagner la campagne au plus vite, avant que les Indiens se réunissent en plus grand nombre et s’emparassent des plates-formes des maisons, d’où ils auraient pu nous faire beaucoup de mal. Mais ceux qui étaient à l’avant me dirent qu’ils ne savaient quel chemin prendre ; je les mis en queue, et, prenant la tête de la colonne je les conduisis en dehors de la ville et j’attendis l’arrière-garde dans les champs ; quand elle me rejoignit, j’appris qu’on s’était battu ; que plusieurs Indiens et Espagnols étaient morts, et que nous avions semé la route d’or et de bijoux que ramassaient les Indiens. J’attendis là que tous mes gens fussent arrivés, combattant avec les Indiens que je retins jusqu’à ce que mes hommes se fussent emparés d’une pyramide et de son temple, qu’ils occupèrent sans perdre un seul des leurs ; et cela, parce que j’avais contenu nos ennemis jusqu’à ce que ma troupe se fût établie sur la pyramide[1]. Mais Dieu sait au prix

  1. C’était un temple dédié à la mère de leur dieu, où l’on établit plus tard le sanctuaire si connu de Guadalupe.