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qu’ils possédaient dans l’île Fernandina. Le jour de Pâques de l’Esprit-Saint un peu après minuit, je partis pour Cempoal ; peu après, je rencontrai les deux sentinelles de Narvaez ; je m’emparai de l’une d’elles, qui me donna des renseignements, l’autre m’échappa. Je fis forcer la marche pour que cette sentinelle n’arrivât pas avant moi et n’annonçât mon arrivée : mais elle me précéda d’une demi-heure. Quand j’arrivai près de Narvaez je trouvai toute la troupe sous les armes, les cavaliers en selle et deux cents hommes surveillant chaque quartier. Mais nous arrivâmes en un tel silence, que quand on nous aperçut et que l’on cria aux armes, j’entrais déjà dans la cour du temple, où la masse des troupes étaient groupées ; elles occupaient aussi trois ou quatre tours et autres points fortifiés. Dans l’un de ces temples où Narvaez s’était établi, il avait garni les escaliers de la pyramide de dix-neuf pièces d’artillerie ; nous mîmes un tel entrain à monter à l’assaut de cette pyramide, que les artilleurs n’eurent que le temps de tirer un seul coup, qui grâce à Dieu ne fit de mal à personne. La pyramide gravie, on pénétra dans la pièce où se tenaient Narvaez et une cinquantaine d’hommes, qui luttèrent avec Sandoval, mon premier alguazil ; celui-ci le somma plusieurs fois de se rendre ; et sur son refus la lutte continua ; il se rendit. Pendant que Gonzalo de Sandoval s’emparait de Narvaez, moi et mes hommes défendions les approches de la pyramide à ceux qui accouraient au secours de leur capitaine. J’avais pris toute l’artillerie, j’en fortifiai la pyramide qui fut inabordable ; de sorte que sans mort d’hommes, sauf deux qui furent tués par un boulet, tous ceux qu’il importait de prendre étaient entre nos mains ; toutes les armes nous étaient remises et tous les soldats avaient juré obéissance à Votre Majesté. Ils me dirent que jusqu’alors Narvaez les avait trompés, en affirmant qu’il avait des pouvoirs de Votre Altesse, que je n’étais qu’un révolté, traître à Notre Majesté et autres calomnies du même genre. Lorsqu’ils connurent la vérité et les mauvais desseins de Diego Velasquez et de Narvaez et combien ils avaient mal agi, ils furent tous très heureux que Dieu en eût autrement décidé.

Je puis en effet certifier à Votre Majesté que si Dieu n’eût agi mystérieusement dans toute cette affaire, et que Narvaez