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erreur : que moi nouvellement arrivé je devais mieux savoir les choses qu’ils devaient croire et qu’ils feraient ce que je leur dirais être le meilleur. De sorte que Muteczuma et plusieurs des principaux habitants de la ville s’en vinrent avec moi enlever les idoles, nettoyer les chapelles et y installer nos images ; ils le firent avec une physionomie satisfaite et je leur défendis qu’ils sacrifiassent désormais des créatures humaines comme ils en avaient la coutume ; coutume exécrable à Dieu et défendue par les lois de Votre Majesté qui ordonnent de tuer celui qui tue. À partir de ce jour, ils y renoncèrent et pendant tout le temps que je passai dans la ville, on ne tua, ni ne sacrifia une seule créature humaine.

La grosseur et la grandeur des idoles qu’adorent ces Indiens dépassent de beaucoup les dimensions du corps d’un homme de grande taille. Elles sont faites d’une pâte de tous les grains et légumes qu’ils consomment ; une fois moulus ils les mêlent et les pétrissent avec le sang des cœurs humains qu’ils ont arrachés de poitrines vivantes ; c’est avec le sang qui coule de ces poitrines ouvertes qu’ils mettent cette espèce de farine en pâte et qu’ils en font une quantité suffisante pour en fabriquer ces grandes statues. Une fois modelées, ils leur offraient les cœurs de nouveaux sacrifiés et leur oignaient la figure avec du sang. Chaque fonction de la vie a son idole, à l’imitation des gentils qui autrefois honoraient leurs dieux. Ainsi, pour demander la victoire ils ont un dieu et pour demander une bonne moisson, ils en ont un autre, et ainsi pour toutes choses qu’ils désirent ou dont ils ont besoin.

Il y a dans cette ville beaucoup de grandes et belles maisons, et les palais y sont si nombreux, parce que tous les seigneurs de la terre, vassaux de Muteczuma, sont obligés d’avoir une demeure dans la ville et d’y résider un certain nombre de jours dans l’année. Il y a en outre une foule de gens riches qui ont aussi des palais. Tous ont non seulement de grands et beaux appartements, mais ils y entretiennent des parterres de fleurs diverses, tant dans leurs salles que dans les cours. Deux canaux de maçonnerie suivent une des chaussées qui mènent à la ville ; ils ont deux pas de large sur six pieds de hauteur ; l’un d’eux