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stuc couvert de peintures et de reliefs représentant des figures bizarres et monstrueuses. Toutes ces tours servent de sépultures aux grands seigneurs, et les chapelles où l’on a placé leurs restes sont dédiées à leurs idoles de prédilection.

Il y a dans ce grand temple trois salles où se trouvent les idoles principales ; salles d’une hauteur et d’une grandeur merveilleuses, avec nombreuses figures en reliefs dans la menuiserie et la maçonnerie ; à l’intérieur de ces salles se trouvent d’autres chapelles dont les portes sont toutes petites ; elles sont absolument obscures et quelques prêtres seulement y résident. À l’intérieur de ces chapelles, ils ont des idoles comme il y en a du reste au dehors. Je fis enlever de dessus leurs autels et je fis jeter par les escaliers les plus importantes de leurs idoles, celles en qui ils avaient plus de foi ; je fis laver ces chapelles qui étaient pleines du sang de leurs sacrifices et je mis à leur place des images de la Sainte Vierge et d’autres saints, ce qui excita l’indignation de Muteczuma et de son peuple. On me supplia premièrement de n’en rien faire, parce que si le bruit s’en répandait dans les différents quartiers, la foule se soulèverait contre moi, parce que les Indiens croyaient que ces idoles les comblaient de tous les biens ; que, les laissant profaner, ils encourraient leur colère, n’en recevraient plus rien, qu’elles retireraient les fruits de la terre et que tout le monde mourrait de faim. Je leur fis dire par mes interprètes dans quel profond aveuglement ils étaient au sujet de ces idoles faites de leurs mains et de choses impures ; ils devaient apprendre qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, le seigneur universel qui créa le ciel, la terre et toutes les choses ; qui les avait créés eux comme nous, que ce Dieu existait de toute éternité et que c’était lui qu’il fallait croire et adorer et non telle autre idole ou créature. Je leur dis encore tout ce que m’inspirait la circonstance pour les arracher au culte de leurs idoles et les amener à la connaissance de Dieu notre seigneur. Quelques notables et Muteczuma répondirent qu’ils ne pouvaient que me répéter ce qu’ils m’avaient déjà dit, et que n’étant point naturels de ce pays, que de long périodes s’étant écoulées depuis que leurs ancêtres s’y étaient établis, ils pouvaient facilement être tombés dans quelque