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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE,

l’honore de son suffrage[1]. M. l’abbé Raynal s’était déjà fait connaître par deux morceaux qui ont eu plusieurs éditions, l’un Histoire du Stathoudérat[2], et l’autre l’Histoire du Parlement d’Angleterre[3]. On avait reproché, avec raison, à cet écrivain un style fatigant et entortillé, la fureur des antithèses et des portraits faits au hasard et chargés de contradictions ; en un mot, une manière trop brillante qui mérite d’autant moins d’indulgence qu’elle a la prélention de plaire et d’en imposer au lecteur par de faux ornemens. Le premier mérite d’un peintre, surtout en histoire, c’est d’être vrai, et cette vérité de coloris, qui est souvent indépendante, et ne tient pas même à la vérité des fait, est, sans contredit, le premier talent d’un historien. M. l’abbé Raynal nous dit, dans son avertissement, qu’il a fait ses efforts pour se corriger de ses défauts dans son nouvel ouvrage. Sa docilité et sa modestie méritent sans doute de grands éloges, surtout dans un siècle où elles ne sont guère à la mode parmi les gens de lettres. Son plan est grand, beau et agréable. Il commence avec l’époque la plus intéressante, l’avènement de Charles-Quint au trône de l’Empire. C’est depuis ce moment-là que s’est formé le système de l’Europe tel que nous le voyons aujourd’hui : l’histoire n’est qu’un enchaînement de faits qui s’est prolongé jusqu’à notre temps. Les deux volumes dont nous

  1. L’auteur ne tint pas cette promesse ; mais il réimprima cet ouvrage, avec des additions, sous le titre de Mémoires historiques, militaires et politiques de l’Europe ; 1754, 1772, 3 vol. in-8°.
  2. Paris, 1748 ; la dernière réimpression est de 1819.
  3. Cette Histoire du Parlement et Angleterre avait paru en 1748. En 1820, les frères Baudouin l’ont réimprimée sous le titre d’Histoire du parlement Anglais, par Louis Bonaparte, avec des notes de Napoléon.